* édité le 10/12/2014
Dans le concert de louanges marquées Octobre Rose, une nouvelle voie discordante est apparue sur la toile cette semaine avec la publication de l’article de la radiologue Cécile Bour sur le site féministe acontrario.net Je ne sais pas encore si c’est une bonne nouvelle.
Cécile Bour exerce son métier de radiologue en libéral dans deux villes de Meurthe et Moselle et de Moselle. Elle est, comme l’ensemble des radiologues de France, destinataire du matériel de promotion de la mammographie dite de dépistage. En tant que professionnelle elle n’est pas agréée, par choix j’imagine, pour recevoir et examiner les femmes qui viennent passer cet examen munie d’un bon de gratuité selon leur tranche d’âge mais j’imagine reçoit par contre qu’elle reçoit et examine des femmes qui ne sont pas dans la tranche d’âge du dépistage organisé ; celles qui souhaitent effectuer une mammographie sans appartenir forcément à une population à risque. Ces dernières payent alors l’examen. Ma première interrogation sera : quelle attitude la radiologue adopte-t-elle dans son exercice médical ? A t-elle choisi d’éconduire les demandes des femmes qui sont hors de la tranche d’âge ciblée par les campagnes, au risque d’être sanctionnée pour refus de soins? Ou bien, accepte-t-elle ces patientes qui contribuent à son chiffre d’affaire? Exerçant avec des associés quelle est l’attitude des autres membres de ses deux cabinets.
En novembre 2014 Cécile Bour a publié dans le Quotidien du médecin, journal qu’on ne peut pas qualifier d’organe de presse révolutionnaire, un premier papier consacré à Octobre Rose qui a été repris par le site féministe FAM intitulé Octobre rose ou le dîner de cons des cancéreux. Dans ce papier, rien de bien nouveau pour qui remet en cause les campagnes annuelles Octobre Rose et le marketing qui en découle. Rien sur les cancéreux non plus, mais le titre était accrocheur.
Au lieu de dire fuck, elle dit merde mais j’ai l’impression de lire dans ce premier papier des arguments que Rachel, Martine, Hélène et moi avons déjà abordé depuis presque deux ans. Nous n’avons aucun monopole pour dénoncer Octobre Rose, nous ne sommes ni les premières ni les dernières, mais chacune de nous déclare d’où elle prend la parole : malade, ex malade et écrivain. Je regrette donc que Cécile Bour n’évoque pas son exercice professionnel comme point d’entrée de son papier. Cela eut été plus intéressant d’avoir un éclairage lié à une pratique plutôt qu’au genre uniquement.
L’aspect pseudo féministe d’Octobre Rose a déjà été dénoncé et les arguments développés par Rachel Campergue dans son dernier livre « Octobre Rose, mot à maux ».
Cécile Bour, dans son dernier post sur acontrario.net, dénonce l’utilisation du corps des femmes et la dérive de l’utilisation de la nudité des images des femmes dans les actions de promotion d’Octobre Rose : » Excitation sexuelle et maladie, voilà une association innovante et originale, dont les revues exhibant des poitrines dénudées tirent un profit conséquent, tout en se donnant bonne conscience, et que ne ferait-on pas pour la bonne cause. » J’avais eu l’occasion de m’énerver de manière assez similaire avec la dernière campagne de selfies des seins de femmes en bonne santé sur Facebook, organisée au bénéfice de Gustave Roussy. Montrer des seins sains fait vendre, même des pneus. Montrer des corps avec des cicatrices émeut, fait appel à la pitié mais informe aussi. Le cancer n’est pas rose, les cicatrices ne sont pas des rubans.
Cécile Bour, parallèlement à la publication de son dernier post, lance une pétition en ligne sur change.org visant à interdire l’utilisation de l’image de la nudité féminine dans les campagnes de promotion d’opérations de dépistage.Elle souhaite « monter un dossier » pour contacter les autorités. L’INCA, le Ministère de la santé j’imagine, elle ne précise pas ou serait-ce le ministère des bonnes mœurs.
Ou j’ai mal cherché ou je suis aveugle mais les campagnes officielles n’utilisent aucune image de nudité, tout est rose, tout est ruban, tout est habillé. La nudité apparaît dans les initiatives des communicants, des médias, des associations sponsorisées par les marques de cosmétiques. La nudité est vendeuse ça ne constitue pas un scoop.
Cécile Bour réclame une égalité de traitement avec les hommes ce que je comprends et j’attends aussi un Movember à base de bourses et de pénis montrés fièrement à la place d’une moustache ridicule pour la promotion du dépistage des cancers masculins, à savoir les testicules et la prostate. Je n’ai pas fumé la moquette et n’y crois pas une seule seconde.
Une dernière chose me gêne dans la pétition de Cécile Bour elle souhaite travailler à moraliser notre société. Son argumentaire féministe pour une égalité de traitement des femmes et des hommes serait-il un cheval de Troie d’une pensée moralisatrice rétrograde. A vous de faire votre opinion. Chaque fois que j’entends moralisation je pense à Zemmour ou Petain et je vomis. Certes je pourrais aussi penser à Molière et à Dorine, ça me rajeunirait. Ah fuck, le jeunisme autre fléau.
Mon point de vue de quinquagénaire cancéreuse et féministe responsable serait de promouvoir par l’information neutre, dénuée d’émotion, dénuée de sensiblerie, ne faisant pas appel à la peur la réflexion et le choix sur le refus de la mammographie de dépistage, promouvoir la réflexion et le choix sur la palpation et l’échographie le suivi personnalisé et la formation des médecins traitants aux critères de risques.
Le rôle du médecin traitant est primordial dans le dépistage, à lui/elle de conseiller, suggérer des examens sur la base de ses compétences, de la connaissance de sa patientèle, des informations qu’il juge fiable et crédible.
Il/elle prend aussi en compte l’angoisse et la peur de la maladie chez ses patients et peut agir avec les femmes et les hommes concernés, les femmes n’ayant pas de monopole en matière de cancer du sein
Le dépistage organisé a prouvé ses limites et les dérives des campagnes d’Octobre Rose sont elles illimitées. Je ne pense pas que l’interdiction d’images ou la mise en place de censure constituent une solution.
L’information et la formation si.
* Rachel Campergue a aussi écrit un post ce matin sur ce sujet pendant que Cécile Bour me qualifiait de virago sur le site de la pétition dans une » petite mise au point » bien Zemmourienne CQFD
TARTUFFE
Couvrez ce sein que je ne saurais voir:
Par de pareils objets les âmes sont blessées,
Et cela fait venir de coupables penséesDORINE
Vous êtes donc bien tendre à la tentation,
Et la chair sur vos sens fait grande impression!
Certes je ne sais pas quelle chaleur vous monte:
Mais à convoiter, moi, je ne suis pas si prompte,
Et je vous verrais nu du haut jusques en bas,
Que toute votre peau ne me tenterait pas
Cécile Bour a lu tout comme elle a lu le mail que je lui avais envoyé mais n’a pas répondu. C’est son droit et si mon point de vue ne convient pas, je n’en suis pas désolée. J’ai cessé d’être désolée depuis longtemps. L’association d’idées entre la morale et les personnages peu glorieux que je cite vaut ce qu’elle vaut . Un billet de blog, un point de vue. Le mien. Les qualificatifs masculins de la réponse de Cécile Bour me font rire venant d’une féministe militante. Suck it up buttercup !
Vous m’avez posé hier soir toutes ces questions dans un mail. L’intelligent eut attendu les réponses, l’impulsif irréfléchi rue plutôt dans les brancards, et le sage eut évité des mises en parallèle hasardeuses avec Pétain… Vous trouverez bien votre qualificatif approprié….
Mon généraliste m’a refusé tout examen clinique, « ça ne veut rien de dire de toute façon et un ganglion non plus » par contre vas-y pour une prescription de mammographie. Mais j’ai déjà mal! Bon, une échographie et une analyse de sang SANS LES MARQUEURS, EVIDEMMENT. L’échographiste m’insulte presque de demander cet examen sans faire préalablement une mammographie, et prétend qu’elle ne peut rien interpréter sans ! (je n’ai pas 50 ans…). Elle concède que ce n’est pas un kyste. Moi: « j’ai compris, je vais mourir. » Elle (ricanant) « si vous le pensez, je ne vais certainement pas vous détromper ».
juste une remarque en passant :
un appareil de mammographie à ma connaissance, ne peut servir qu’à ça.
contrairement à beaucoup d’autres techniques.
Bonjour Manuela, avant de parler de l’essentiel….j’ai signé malgré le mot tant « honni » de morale. je me suis attachée à l’esprit plus qu’à la lettre. De plus il y aurait bcp à dire au sujet de l’usage de la « morale » de Pétain ou Zemmour mais ce n’est pas le sujet.
Ce billet est très intéressant parce qu’il pose la question cruciale qui est celle de la position du médecin. Il est vrai que le radiologue semble juste être aux ordres et exécuter des examens sur demande de chers confrères. Peut il se permettre de ne pas les faire, peut il se permettre une distance critique et un commentaire face aux demandes des confrères et doit il se limiter à un boulot de technicien qui fait tout juste ce qu’on lui demande. Il est médecin et on lui demande de réfléchir aux tenants et aux aboutissants de ses actes…sinon il suffirait d’un technicien, voire même d’une machine qui analyse toute seule les images!
Alors les enjeux sont multiples et compliqués…et il me semblait que la réponse la mieux adaptée mais très imparfaite est celle que tu suggères. La main au médecin traitant dans la mesure où c’est bien lui qui saura être le moins dans la fascination de la machine et le plus dans la capacité à pouvoir mettre tous les éléments en perspective.
J’espère qu’elle te lira et répondra à tes questions… Mais quelle que soit sa réponse je suis heureuse que certains médecins et en particulier des médecins-techniciens regardent un peu plus loin que le bout de leur nez.