Cancer et inégalités, la vulnérabilité en plus

 

Vulnerability-Just-Ahead

Inégalité, tel est le thème de la journée d’action du Blog Action Day 2014 #BAD2014 . J’ai donc décidé d’y participer ici, parce que nous ne sommes pas toutes et tous égaux face au cancer. Cet article je l’écris de mon point de vue de patiente, de celle qui tente mois après mois de rester maîtresse de mon destin, de choisir mes options de soins et de vie au gré des évolutions de ma santé. Je ne peux prétendre à un article exhaustif sur un sujet si vaste, je pose juste ma petite pierre.


 

Depuis le premier Plan Cancer de 2003, les autorités sont conscientes des inégalités mais rien ne bouge vraiment, la dernière mouture du Plan Cancer publiée en février 2014 les mentionne quatre vingt cinq fois, oui 85 .. et déclare vouloir consacrer 1.5 milliard à la lutte contre les inégalités. Quand on sait que la Cour des comptes avait en 2008 levé des lièvres sur la gestion et l’application du premier plan cancer dans son rapport annuel, on espère u rapport sur le second. En attendant un extrait de la synthèse du dit rapport de 2008

Le rapport souligne que si ce grand chantier présidentiel a eu « incontestablement un caractère novateur », il souffre de « carences » et de « défaillances ». Parmi les 70 mesures du plan, la Cour considère que plus d’un tiers a été intégralement ou largement réalisé, avec des progrès accomplis dans la prévention du tabagisme et du cancer du sein. Les carences concernent notamment la prévention des cancers professionnels ou liés à l’alcool. Constatant l’absence d’évaluations et l’insuffisance des audits internes et externes, la Cour recommande à l’État de « mettre en œuvre un dispositif durable, doté de moyens de coordination et de suivi » et de charger l’Institut national du cancer d’établir un bilan périodique des initiatives issues des structures et plans régionaux traitant de la cancérologie.

L’iNCA serait donc en charge de des bilans .. mais quand sait que Dtoujours en 2008 la Cour des comptes notait que L’iNCA était champion hors catégorie de la gestion foireuse tel que le coût effarant de la mis en oeuvre d’un projet informatique déjà existant au Ministère, on est en droit de se demander si ces auditeurs sont les plus qualifiés pour gérer les plans de lutte contre le cancer.

Quand au plan 2014 ça commence ainsi :

 « La contribution des inégalités de santé aux pathologies cancéreuses est majeure en France, bien plus que dans d’autres pays européens. Ces inégalités face à la santé sont notamment induites par les inégalités sociales et entraînent à leur tour des conséquences professionnelles, scolaires, économiques, génératrices de nouvelles inégalités. L’ensemble des politiques publiques doit se mobiliser contre ces inégalités : les moyens consacrés par la Nation à notre système de santé doivent permettre d’offrir une espérance de vie en bonne santé accrue pour tous. »

Il s’agit à nouveau d’un constat d’échec de nos chères autorités de santé qui, bien que nous ayons l’un des meilleurs système de soins en Europe avoue qu’ils sont mauvais comme des cochons, plus mauvais que leurs voisins européens, malgré les deux plans cancer précédents. La réforme des systèmes de soins, la fermeture de lits, la fameuse T2A : la tarification liée à l’activité, le manque de formation de certains soignants à la prise en charge globale du/de la patient(e), le budget de la recherche, l’argent dépensé en campagnes de communication discutables;  tout concourt à développer ce parcours peu équitable.

Dans ses recommandations préalables à la publication du dernier Plan Cancer Jean-Paul Vernant écrit « Le deuxième Plan cancer avait déjà inscrit la réduction des inégalités de santé, mais elles n’ont pas diminué, faute d’avoir fixé des objectifs clairement définis »

inegalitecancer

Que vous soyez riches ou pauvres, ruraux ou urbains, ouvriers ou cadres vos chances ne sont pas les mêmes. Vos chances de survie ne sont pas les mêmes selon votre type de cancer ou sa localisation  pour commencer. Selon le stade de votre maladie, votre prise en charge par les équipes médicales variera. Mais hélas aussi selon leurs compétences et leurs budgets. Vos chances de survie éventuelles ne sont pas les mêmes selon l’établissement qu vous prendra en charge, aurez-vous accès aux meilleurs soins possibles, à des essais thérapeutiques en cas d’échec des traitements ou en première intention?

J’ai déjà eu l’occasion d’en parler ici lorsque j’ai commencé à m’intéresser au sujet,puis dans l’article de Marianne il y a à peine un an quand Dominique Bertinotti nous a joué le refrain de la cancéreuse apte au boulot et aussi lorsque nous avons débusqué les agissements de la Mammobile de l’Hérault surfant sur la méconnaissance des maires et des femmes en matière de dépistage du cancer du sein.

Le fameux dépistage organisé, qui nous saoule en ce mois d’Octobre Rose, ce prétexte au Pinkwashing cérébral qui tente de faire oublier les véritables problématiques des traitements et des soins de support, du libre choix du malade quand à son établissement de soin, de la décision concertée, du droit à l’information des patients, de la transparence, de la bientraitance et j’en passe, la liste est trop longue.

La partie contre le cancer n’est pas équitable. On le sait. Aucune maladie ne l’est. A patrimoine génétique identique ou presque, à environnement et mode de vie identique la partie de dés est faussée. Que dire de la responsabilité des industries chimiques, agro alimentaires dans l’explosion des cancers du sein et de l’inaction coupable des pouvoirs publics sur l’interdiction des molécules responsables ?  Là n’est pas le sujet de ce post mais un jour il faudra bien rendre des comptes.

Ce qui me frappe lors de cette relecture du Plan cancer 2014 c’est la lourdeur administrative qui entrave l’accès aux nouvelles thérapeutiques: l’ARS, l’INCA , la HAS. Un appareil administratif qui surveille, régule mais surtout vise à éviter que les politiques de santé soient appliquées rapidement, efficacement   Le plan cancer donne des pistes mais le temps qu’elles soient étudiées, amendées et mise en application combien de morts?

Parallèlement, les inégalités sociales sont sources de bien des différences et ces inégalités en temps de crise économique ne vont pas en s’améliorant, comme le budget de la sécurité sociale et sa gestion sont sans cesse mis en cause,  les malades font les frais , les  » reste à charge », les déremboursements, les mauvais remboursements, et l’absence de prise en charge de certains soins, examens.

L’Observatoire sociétal des cancers en parle ici

Les sommes prévues au Plan Cancer seront-elles versées alors que le budget de l’Etat est en pleine déconfiture? Quelles mesures vont encore aggraver cette situation, le Ministère de la Santé sortant de son chapeau régulièrement des directives contradictoires, on  ne peut que craindre des nouveautés peu réjouissantes.

Les Centres de Lutte contre le cancer  n’accueillent que 10% des patients, certes les CHU sont performants pour la plupart, mais la majorité des patients est traitée en hôpitaux non universitaires ou en cliniques et qu’en est-il des essais thérapeutique ou de l’accès aux soins de support dans ces établissements?.

L’étude VICAN2  dans un chapitre intitulé « Cancer et aggravation des inégalités et des situations de vulnérabilité » nous explique que lorsque le cancer entraîne une perte d’emploi, les revenus du ménage
s’en trouvent affectés. Cependant, même en restreignant l’analyse aux personnes qui étaient en emploi au moment du diagnostic et qui le sont aussi deux ans après, on observe une diminution des ressources
socialement différenciée, puisque les caractéristiques suivantes sont associées à des pertes de revenus plus importantes : être plus âgé, moins diplômé, exercer un métier d’exécution, avoir un emploi précaire…
De même, parmi les enquêtés qui avaient un crédit en cours  au moment de leur diagnostic, les difficultés à rembourser les traites d’un tel crédit sont corrélées à de faibles revenus, aux métiers d’exécution
et à l’indice de désavantage social de la commune de résidence.

Personnellement j’étais en situation d’emploi précaire dans l’encadrement, j’ai perdu mes revenus, j’ai des soucis de crédit (euphémisme), je suis âgée de 54 ans donc j’entre dans la catégorie  » plus âgé », je ne suis pas en état de retour à l’emploi, si tant est qu’un emploi me soit ouvert, alors oui je me sens vulnérable. Vivante encore, mais vulnérable.

En conclusion chères lectrices et lecteurs qui n’êtes ni malades, ni aidant, ni soignant j’aimerais vous poser une question vous qui passez par ici, par hasard, par curiosité ou par erreur.

Quel est votre regard sur le cancéreux, la cancéreuse, qui vit parmi vous cachée sous sa perruque ses faux cils et son maquillage ou visible au bureau, dans le magasin, l’usine, l’atelier ou au Pôle emploi. Quel est votre regard vous qui l’employiez et l’avez virée ou lui refusez un emploi à temps partiel, vous qui êtes son banquier, son assureur, vous qui traitez son dossier d’assurance maladie. Plutôt que de vous vêtir de rose en octobre, de bleu en mars, considérez qu’il puisse s’agir de vous dans quelques jours, mois ou années, de votre mère, de votre fils, de votre fille. Considérez cet homme, cette femme et interrogez vos pratiques sociales, dans votre vie professionnelle ou privée car les inégalités dont ils, elles sont l’objet vous guettent. C’est ce qu’il y a de bien avec le cancer c’est que cela concerne TOUT le monde : que vous soyez riches ou pauvres, ruraux ou urbains, ouvriers ou cadres. Inutile de courir contre lui il vous rattrapera un jour,  si ce n’est vous, ce sera un proche. Et à ce moment là, ou quelques temps après la découverte de la maladie vous serez confrontés aux inégalités et à votre vulnérabilité. En attendant on fait quoi pour secouer tout ce beau monde ?

 

bad2014

 

 

 

 

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  3 comments for “Cancer et inégalités, la vulnérabilité en plus

  1. Pingback: Point sur les inégalités sociales de santé
  2. Iceman
    16/10/2014 at 9:18

    Il est en effet essentiel de rappeler l’inégalité de traitement de la maladie, inégalité qui se creuse peu à peu avec la désertification médicale et la politique de l’hopital.
    Et un peu plus loin que la France, que dire aussi du traitement du Cancer, que cela soit dans des pays développés (USA, UK…) ou dans des pays que l’on dit péjorativement « sous développés » où nos propres déchets provoquent nombre de maladies dont le cancer.

    Merci pour cette entrée pour le BlogActionDay, très différente de la mienne (http://icezine.wordpress.com/2014/10/16/inegalites-inequality/)

    • primerose
      16/10/2014 at 1:44

      C’est significatif que beaucoup d’internautes parlent de « Cancerland, la Cancérie… », dans certains services on a vraiment l’impression d’être entrée dans un autre pays, où les droits de l’homme sont évanescents. Le médecin vous parle peu, et même vous ment. Quand il veut vous persuader de rentrer dans un essai clinique (déclaré, pour une fois) là par contre, il prendra tout son temps, et vous, vous êtes allongée pour la perfusion. Le devoir de vous soigner et le droit de choisir vos soins sont virtuels.
      « Vous n’êtes pas médecin? alors acceptez. » Jusqu’au jour où ça sera : « et vous, vous n’en faites jamais des erreurs, peut-être? Vous êtes gonflée de nous croire parfaits ».

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