Cancer du sein : une étude sur le carcinome canalaire in situ remet en cause l’utilité de la chirurgie et de la radiothérapie et plaide pour une autre approche
Qu’est-ce que le CCIS ?
Le CCIS ou carcinome canalaire in situ est le type de cancer du sein non infiltrant le plus courant. On peut aussi l’appeler carcinome intra canalaire ou carcinome canalaire non invasif. Presque toutes les femmes qui sont atteintes de ce qui est encore qualifié de cancer précoce peuvent être traitées avec succès, nous dit-on à l’envie. Appelé aussi micro calcifications, le CCIS terrorise des centaines de milliers de femmes dans les pays occidentaux où le dépistage organisé est actif. Les conséquences du diagnostic et du traitement de tumeurs souvent minuscules ne sont pas insignifiantes dans la vie des patientes.
Le CCIS est trop petit pour être diagnostiqué lors d’un examen clinique du sein et apparaît uniquement lors d’examens d’imageries dont la mammographie. Tumorectomie, mastectomie, radiothérapie les femmes diagnostiquées se voient proposer la panoplie presque complète des traitements pour une tumeur souvent classée au stade 0
Le carcinome canalaire in situ, CCIS dans vos analyses et vos compte-rendu, est-il un cancer pour lequel la chirurgie est utile si on observe la survie à vingt ans?
C’est la question que l’on peut se poser et la réponse donnée par une étude publiée hier par JAMA Oncology d’une étude canadienne est assez perturbante. La mortalité des femmes diagnostiquées et opérées ou traitées par radiothérapie reste quasi identique que celle des femmes de la population générale. Le risque de mortalité à vingt ans est faible et le sur-diagnostic et le sur-traitement ne sont pourtant pas remis en question.
Les auteurs concluent leur étude par :
Certains cas de CCIS ont un potentiel inhérent de propagation métastatique à distance. Il convient donc de les considérer comme de facto des cancers du sein et non comme des marqueurs prédictifs d’un cancer invasif ultérieur. Le résultat de la mortalité par cancer du sein pour les patients ayant un CCIS est d’une importance en soi et des traitements potentiels qui affectent la mortalité sont dignes d’étude.
Les diagnostics de CCIS, impliquant des cellules anormales confinées dans les canaux galactophores ont grimpé en flèche au cours des dernières décennies. Ils représentent désormais plus d’un quart des diagnostics de cancer à partir des mammographies, les radiologues trouvent aussi des lésions de plus en plus petites. Mais les nouvelles données sur les résultats amènent des questions provocantes qui mériteraient des réponses des équipes françaises :
– Le CCIS un précurseur de la maladie ou tout simplement pour un facteur de risque pour certaines femmes?
– Y at-il une raison quelconque pour la plupart des patientes avec ce diagnostic de recevoir des traitements brutaux?
– Si le traitement ne fait pas la différence, les femmes doivent-elles être informées de ce diagnostic?
La stratégie de traitement a été jusqu’à présent de se débarrasser de ces minuscules amas de cellules anormales du sein, tout comme les médecins se débarrassent des polypes du côlon quand ils les voient lors d’une coloscopie. Sauf que les conséquences ne sont pas les mêmes. Personne ne se fait ôter le colon après la découverte de polypes or des femmes subissent ou choisissent la mastectomie simple ou radicale après un diagnostic de CCIS sans que cela ne change quoique ce soit dans leur chance de survie à vingt ans.
La conclusion sous entend que pour le moment il n’existe pas assez d’études sur les sous-types de CCIS et sur les risques de mortalité. Laura Esserman qui a participé à l’étude publie parallèlement un éditorial intitulé Repenser les standards des traitements du CCIS où elle plaide pour une nouvelle approche de soins.
La communauté des radiologues et chirurgiens doit contribuer au changement. Compte tenu du faible risque de mortalité par cancer du sein, nous devons cesser de dire aux femmes que le CCIS est une situation d’urgence et qu’elles devraient planifier une chirurgie définitive dans les 2 semaines suivant le diagnostic. La somme totale des données sur le CCIS à ce jour suggèrent maintenant que:
- Une grande partie de CCIS devrait être considérée comme un «facteur de risque» pour le cancer du sein invasif et une opportunité pour la prévention ciblée.
- La radiothérapie ne doit pas être systématiquement proposée après une tumorectomie pour les CCIS qui ne sont pas à risques élevés parce qu’elle n’a pas effet sur la mortalité.
- Les CCIS de faibles et moyens grade ne nécessitent pas d’être une cible du dépistage ou de la détection précoce.
- Nous devons continuer à mieux comprendre les caractéristiques biologiques des CCIS à risque élevés (grande taille, de haute grade, récepteur hormonaux négatifs, HER2 positif, en particulier chez les femmes très jeunes et les afro-américaines) et devons tester des approches ciblées pour réduire la mortalité par cancer du sein.
- Des questions demeurent, mais il y a lieu d’innover. Si nous voulons que l’avenir soit meilleur pour les femmes atteintes d’un CCIS, nous devons être engagés à tester de nouvelles approches aux soins.
En France existe-t-il un ciblage des femmes présentant un risque plus élevé en fonction de leur origine géographique ?
J’espère que la publication de cette étude canadienne lancera le débat ici aussi et que nous obtiendrons des réponses aux questions posées.