Voilà presque deux mois que Fuck my cancer est en librairie et que la chronique de mes aventures à Cancerland a trouvé de nouveaux lecteurs pas que des lectrices. Ces semaines ont été mouvementées et fatigantes – je m’en doutais – parce que malgré l’excitation et le questionnement sur l’accueil de mon récit, les relations parfois compliquées avec ma maison d’édition (en même temps ils savaient que j’étais une emmerdeuse ILS ONT LU LE LIVRE avant tout le monde), il s’en est passées de belles. De belles rencontres. Voici un petit best of à ma sauce.
Le livre et les journalistes
Bien plus que le blog , parce que je m’y livre un peu plus, Fuck my cancer dans sa version papier s’est révélé un exercice de mise à nue. Chaque auteur révèle une part de soi et exprime une forme de narcissisme en se livrant et surtout en communicant. L’autopathographie est un exercice où la mise à nue est permanente on ne l’évite pas. La promo un exercice où il faut garder une distance difficile à jauger et variable selon les interlocuteurs.
Je pense avoir continué à préserver une grande partie de ce que je suis, de ce que j’étais avant la maladie et par dessus tout, la vie de mes proches, des êtres qui me sont chers. Certains journalistes ont bien tenté des questions plus intimes mais j’ai acquis suffisamment de bouteille pour ne pas plonger la tête la première dans le panneau et préserver ma vie privée tout en apportant des réponses honnêtes.
Les blogueurs ont été les plus réactifs et la présence de Fuckmycancer sur les réseaux sociaux n’y est pas étrangère. Vous retrouverez les liens sur la page Agenda
Le cancer, les relations avec les soignants, la bientraitance ou son contraire, mon caractère, mon profil d’emmerdeuse j’ai répondu sincèrement aux questions. J’ai aussi lancé quelques pistes de réflexion avec des institutions à partir de tribunes qui m’ont été ouvertes sur le web et je pense suivre cette voie encore quelque temps avant de tourner la page, je ne souhaite pas faire une carrière de patiente experte, juste tirer les leçons de mes observations et les partager avec quelques acteurs de notre santé et avec mes compagnes et compagnons de route au pays du cancer.
Il y a eu de belle rencontres dans les studios souvent, des poursuites de dialogues démarrées en ligne sur twitter et l’opportunité de m’exprimer longuement ce qui est fort plaisant face à des journalistes incisifs et intelligents. J’aime le dialogue. J’ai été servie bien plus que la majorité des auteurs et j’apprécie ma chance. Il va y avoir encore d’autres occasions de varier les rencontres et les angles de discussions et je m’en réjouis. Quelques jolis papiers dans la presse écrite. Chaque fois ça me fait sourire, comme si la personne dont ils parlaient n’était pas vraiment moi. La vraie vie est ailleurs et ma santé n’est pas meilleure.
Il y a aussi eu des ratés, parce que ma parole n’est pas consensuelle, parce que je suis cette femme là et que je n’emballe pas mon propos dans du papier de soie, de toute façon le papier de soie ça froisse aussi.
Dans les perles entendues ou rapportées j’ai eu droit à :
– C’est trop trash (comprenez cru, réaliste, ça manque de rose, de belle histoire, de ruban, de pommade , de cosmétique et de consensus) dans la bouche de deux journalistes santé, d’un assistant de présentatrice d’émission à l’eau de rose et d’un magazine santé, de plusieurs magazines féminins et d’un chargé de production d’un journal de la mi-journée d’une chaîne publique. Globalement je pense qu’ils n’avaient pas lu le livre ( il ne faut trop en demander non plus).
Le cancer n’est pas un rhume ou une angine. La chirurgie ça saigne, la chimio ça empoisonne, ça fait mal, ça détériore du dedans et ça se voit dehors. La vie est dure et pourtant j’aime la confiture. Pas de surprise à mon niveau. Dans une partie bien antérieure de mon existence j’exerçais le métier de relation presse, métier ingrat où tu es prise entre le marteau et l’enclume. Désormais j’étais le marteau et le clou dans le talon des attachées de presse de mon éditeur.
– Le titre fait peur . Est-ce le mot Fuck ou le mot cancer ou les deux ensemble? J’aurais bien tenté de remplacer les deux “j’aime ma longue et cruelle maladie qui va finir par me tuer ou pas” j’aurais pu aussi parler de licornes et de poneys faire des coeurs avec les doigts. J’aurais pu, non avec les doigts je fais autre chose, mais je ne suis pas persuadée que cela aurait plus séduit les responsables de programmation et les journalistes.
Il y en a bien une qui a publié “On ne meurt pas comme ça” et elle a été invitée par ses camarades de promo de l’école de journalisme et ses collègues de magazines féminins. Il y a aussi ce type mort d’un cancer qui continue à vendre des recettes anti-cancer. Perso, je n’y crois pas à ses conseils encore moins aux recettes, visiblement cela ne fonctionne pas. LE MEC EST MORT. Le mot Fuck vient d’être censuré dans le texte d’un sujet du bac 2015. Pourtant sans ce mot la chanson de Country Joe Mac Donald n’a pas vraiment le même sens comme le souligne le billet d’Annette Levy-Willard. Le mot Fuck par contre a amusé les journalistes qui m’ont invitée, certains ont choisi de le traduire d’autres selon les impératifs de leur média et leur audience l’ont évité. Une lectrice m’a même dit que c’était jouissif de le demander en librairie, une autre préfère demander le livre de ..qui a un gros mot en couverture et qui parle cancer.
Les rencontres
Seulement trois rencontres et un lancement dans un bar à ce jour, une grosse soirée prévue à la fin du mois devant un parterre un peu particulier. Nous verrons à la rentrée si je reprends la route après un peu de repos et avant mon bilan semestriel.. Carlo est toujours en embuscade, le pleutre se cache.
Alors ces rencontres: un mélange de bonheur et de frustrations. Le bonheur des échanges et la frustration du manque de temps pour approfondir le dialogue avec chacun et chacune. Le livre a le mérite de déclencher des réactions et à ce jour je n’ai pas encore eu de critique offensive ou désagréable.
Je reçois des mails de lecteurs /lectrices qui me touchent beaucoup, j’essaie d’y répondre. Il y a aussi des fantômes du passé qui resurgissent après tel article ou telle émission. Je reprends ou non le lien. Tout n’est pas mauvais, ni bon, des zones grises restent inexplorées.
Une ministre a recommandé mon livre sur une chaîne d’information, sans récupération, un acte gratuit de générosité. Nous avons eu l’occasion d’en parler de vive voix les yeux dans les yeux de femme à femme. La vie est pleine de belles surprises.
Et toujours à la fin du mois, pour conclure ce printemps deux rencontres une avec mon cher Léon et une autre à Curie. Je ne sais ce qu’il va en ressortir. le propre des rencontres c’est le dialogue. Je vous tiendrai informés.
Merci à toutes et tous pour ces bons moments. Quand aux fâcheux devinez ce que je leur dis ? FUCK MY CANCER ! On ne change pas une formule gagnante.