ll y a trois semaines, nous fêtions les soixante ans de mariage de mes parents. Il y a deux jours, j’apprenais le cinquième cancer de mon père. Cinquième, c’est parce que je les compte:
Un rein en 2000,
Un poumon en 2007,
La prostate en 2011, trois mois de rayons quotidiens. Ils ont peut-être eu les cellules folles de la prostate, mais ils ont eu à coup sûr sa vessie,
Le 14 octobre 2013 un truc dans le trou laissé par le rein retiré en 2000,
Et il y a 2 jours donc, un autre truc au nombril …
Pour le truc du trou, l’oncologue a dit « on ne soigne pas deux cancers en même temps, revenez en janvier et on verra lequel des deux sera soigné » …. Je me suis alors demandée si le toubib n’était pas astucieux pour laisser croire qu’il y avait encore des choses à faire. Pour le nombril, il n’a même plus tenté de bluffer ni le cancer ni mon père : le généralissime est là et le toubib organise les soins palliatifs. A la maison car mon père veut y mourir et nous sommes tous d’accord.
Depuis ces années, mon père a fait face avec détermination et il a après chaque convalescence repris une vie normale. Jusqu’à l’installation de la vessie externe, il y a un an. Je peux dire que malgré les progrès techniques, une vessie externe n’a qu’un seul avantage : ça permet de vérifier aisément que le rein qui reste fonctionne bien.
Tout le reste, ce sont des emmerdements :
– garde robe à renouveler (faut y caser la poche plastique, les tuyaux, le harnachement qui permet de porter l’ensemble le moins inconfortablement possible)
– pansements médicalisés quotidiens,
– fuites non prises en charges par les protections externes qui sont pourtant livrées par mètres cubes mensuels. Ma mère se retrouve avec les lessives multi quotidiennes équivalentes à celles d’une mère de famille nombreuse.
– les bruits : tout ça est en plastique résistant qui bruisse à chaque mouvement et ne se laisse donc pas oublier, ne serait-ce que quelques minutes, ni par Papa ni par son entourage.
Je me demande si ce ne sont pas ces contraintes dont il ne serait débarrassé que par la mort qui ont eu raison de sa détermination.
Je suis catholique fermement croyante, c’est-à-dire que je crois réellement du plus profond de mes entrailles, de mon cerveau primaire, de tout ce que vous voulez de plus animal en moi mais aussi de tout ce qui est le plus élevé, que Dieu nous apporte toujours, toute l’aide dont nous avons besoin pour faire face aux emmerdes de la vie, si nous la lui demandons.
D’ailleurs, alors que je passe plusieurs fois par semaine devant la porte de la chapelle de l’école où je donne des cours de caté, jeudi matin, Dieu Lui savait pour quoi, j’ai photographié la feuille des horaires de messes. En rentrant du caté, j’ai trouvé le mail de ma mère qui m’annonçait la décision de soins palliatifs. J’ai pu aller à la messe le jour même .
D’ailleurs vous avez eu cette idée de #writeon ! Merci.
Depuis, je fais prier tout catho que je croise, je fais exprès de croiser des cathos pour ça (suis allée voir les Filles de la Charité), je demande aux réseaux cathos sur twitter ou ailleurs dans l’internet de prier Dieu pour que Papa affronte les semaines à venir avec sérénité.
Ce matin je lui ai fait un mail récapitulatif des choses importantes : je l’aime, il peut être fier de sa vie sur terre, de ses enfants qui sont ce qu’ils sont grâce à lui aussi, je m’occuperai de sa femme jusqu’à ce qu’elle le rejoigne (je sais que c’est sa grande inquiétude – idiote et qui vexe d’ailleurs Maman !), je garderai ses cendres au milieu de nous (c’est son truc), je ferai dire un trentain pour qu’il rejoigne notre Père au plus vite, il ne faut pas qu’il s’inquiète pour nous, sa famille ….
Je ne suis plus jeune mais il n’y a pas d’âge pour la tristesse de voir mourir un parent. Je chougne même en faisant ce post.
Et encore moi, j’ai la chance de pouvoir lui dire, lui écrire ces choses importantes .
J’ai la chance de pouvoir lui dire au revoir.
J’ai la chance de savoir que sa mort ne sera que terrestre.
Il n’est pas encore mort mais je sanglote déjà.
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