La médecine des preuves ou des épreuves
Le parcours de soins des femmes malades du cancer du sein est jalonné de très nombreuses consultations de diagnostics et de suivis. La malade rencontre des radiologues, chirurgiens, oncologues, radiothérapeutes et des anesthésistes et des internes, beaucoup d’internes. Le dossier médical s’enrichit de bilans d’imageries – radiographies, échographie, scanner, scintigraphie-Petscan-IRM, de résultat d’analyses biologiques –sang-urine etc., viennent les résultats d’analyses de prélèvements de tissus de la malade (histologie) et de comptes rendus des différents spécialistes. Tout cela constitue le socle de la médecine basée sur les preuves, une médecine technique au vocabulaire souvent trop compliqué pour les malades à qui on ne fournit aucun dictionnaire ou décodeur et souvent pas d’explications. Un dossier de malades destiné aux médecins mais aussi à la patiente qui trop souvent ne s’y retrouve pas. Elle en est l’objet, elle ou plutôt ses organes, sa maladie mais la femme, sa personnalité et sa parole sont étrangement absente de ce dossier. Son état civil et son historique médical y sont résumés de manière très laconique.
Quand mon dossier cancer du sein a été ouvert au Centre de Lutte contre le cancer où je suis soignée depuis presque deux ans il y était noté : femme 53 ans, 4 enfants … poids, taille. Ce dossier, aujourd’hui très long et très lourd, est dématérialisé dans les serveurs du Centre Léon Berard et doit occuper quelques giga ou méga octets de mémoire. Aucune trace de ma parole, de mon ressenti, de mon expérience dans ce dossier, pas une ligne, pas un caractère qui ne soit le reflet de ma parole ou de ces deux années de vies de malade.
Mais qu’est que la médecine narrative ?
La médecine narrative ou médecine fondée sur le récit du patient constitue une pratique médicale centrée sur le récit du patient et non sur les organes où la maladie. Elle permet au médecin d’accéder à l’expérience vécue par leurs patients. C’est une forme améliorée du recueil des antécédents, les approches narratives peuvent aider le médecin à formuler des options de diagnostic et de traitement plus appropriés et améliorer les relations médecin-patient. Les femmes se sentent alors connues par leurs médecins, et à leurs tours, les médecins peuvent mieux évaluer l’efficacité de leurs interventions.
Les événements de la vie réelle contrairement aux fictions ne disposent pas d’intrigues, mais l’expérience humaine relatée permet de donner du sens aux événements de la vie apparemment disparates. Ces constructions sont des récits – des histoires que nous nous racontons et d’autres qui offrent la cohérence de nos expériences vécues. Ces histoires ne sont pas fixes mais évoluent au fil du temps et des nouveaux événements ou de nouvelles idées surgissent, liées au parcours de soins et à la vie du malade.
J’ai choisi de partager mon expérience de cancéreuse, mon récit des soins, mon quotidien, les traitements lourds, les consultations frustrantes, les quelques loupés mémorables et les belles surprises de la vie tout d’abord sur un blog et depuis quelques jours dans un livre. J’ai informé mes soignants de mes récits publics, ils ont fini par les lire. Je n’étais pas la première patiente à le faire, il y en aura d’autres. Chacune avec ses mots et ses maux.
J’ai choisi de parler de mon cancer et comme je l’écrivais sur mon blog dès juillet 2013 cela constituait pour moi une thérapie, sans le savoir, sans avoir étudié le sujet mon outing cancer contribuait à me faire accepter ce qui allait modifier ma vie et celle de mes proches et mon récit de patiente/malade, mon autopathographie, contribuait à mettre en perspective la médecine classique dite médecine basée sur les faits ou médecine des preuves.
Chaque malade n’a pas la possibilité, la capacité ou l’envie immédiate de s’exprimer. Elle est souvent paralysée par la nature de sa maladie, par le risque potentiel de mourir du fait de cette maladie et par les tabous autour de cette «longue et cruelle maladie» qu’on ne nomme souvent jamais, même jusque dans les avis de décès. Pourtant l’expression de l’expérience du cancer du sein pourrait constituer un élément clé et bénéfique du parcours des malades
Quels bénéfices peut-on attendre de la médecine narrative ?
1. Eclairer le soignant sur l’état réel du malade : la preuve objectivée par le récit de vie et l’analyse qu’en fait la patiente
2. Permettre à la malade d’exprimer dans un récit facilité et pris en compte ses difficultés, celles de son entourage et trouver un support psycho social qui fait défaut.
Quels moyens mettre en place ?
Le plan cancer 2014 mentionne au point 4.4 titré : améliorer la formation des cancérologues
Cette formation devra inclure les compétences transversales comme la communication avec le malade et son entourage.
Ne rêvons pas, le nombre d’oncologues déjà formés est souvent insuffisant dans les établissements de soins et le temps de consultation, déjà trop court, qui leur est alloué par le nombre toujours croissant de malades diagnostiquées ne leur permettra pas de sitôt d’allonger le temps de consultation afin d’aider la malade qui n’est pas forcément une bonne «communicante» à formuler un récit. Il faudrait inventer une fonction de médiateur qui viendrait accoucher le récit, une sage-femme de la parole. Dans le milieu culturel on appelle cela un médiateur. Un médiateur humaniste, bienveillant et patient. Un idéal d’intermédiaire dont le compte rendu serait pris en compte par les différents soignants qui souvent ne disposent que de quelques minutes avant la consultation pour consulter les résultats des examens, interventions et analyses que la malade a effectuée ou subi préalablement.
Le soignant ne se cantonnerait plus à un examen et un interrogatoire clinique du patient et à une médecine de preuves. Il intégrerait à son analyse le récit de la malade, sa patiente. La médecine narrative accompagnerait la médecine des preuves.
Aujourd’hui on soigne sans trop se soucier de l’expérience du patient. Le corps médical s’intéresse peu à la médecine narrative et ignore souvent le bénéfice que soignants et patients pourraient en tirer. C’est par manque de financement aussi que la médecine narrative n’est pas mise en œuvre. Le plan cancer dispose de budgets qui permettraient d’améliorer l’offre de soins des Centres de Lutte Contre le Cancer, des hôpitaux et des cliniques spécialisées. Qu’une partie de ces fonds servent à former les personnels, les faire évoluer et créer des emplois. Les besoins ne cessent d’augmenter pour faire face aux évolutions scientifiques et technologiques et à la croissance du nombre de malades, n’oublions pas les malades et considérons leur parole, leur récit.
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bonjour!
je viens de terminer votre livre, je l’ ai lu en deux nuits, j étais en terrain connu, (découverte cancer sein en novembre 2013, mastectomie, chimio, radiothérapie, hormonothérapie), j’ ai ri quelques fois,.. j’ ai aussi écrit à notre ministre bertinotti pour lui demander d’ agir sur une meilleure prise en charge des conséquences du traitement, perruques, vernis , crèmes…et lui rappeler qu’ elle faisait partie des gens favorisés, pour lesquels il est plus facile de travailler. j’ ai eu la chance de bien supporter tout le traitement, de continuer à bosser, à marcher, à sortir presque normalement, j ‘ai été très très entourée, jamais lachée par ma famille, mes amis. si je vous écris c ‘est que dans mon centre cancer du sein à Nice j’ ai toujours apprécié l’ accueil, la prise en charge, de la secrétaire aux médecins divers, tout est mis en oeuvre pour soulager le patient, pas d ‘attente interminable, des sourires, de l’ écoute…un seul médecin, le radiothérapeute a eu droit à une mise au clair de son problème relationnel, il m’ a écoutée et s ‘est excusé… il s ‘agit de centre Antoine lacassagne.
j’ ai écrit tout au long de mon marathon chimio pour ne rien oublier, et aider mes clientes et clients, je suis pharmacienne, on peut rire tout au long de cette maladie, et je le dis souvent…bcp m’ ont vu, ont suivi l’ évolution du traitement, des transformations physiques et de la fatigue plus ou moins cachée…il parait que je suis un beau témoignage et un encouragement pour tous ceux qui ont à vivre cela…
j’ ai décidé de faire un tatouage sur la cicatrice, amazone guerrière je resterai et décorée!
rdv est pris pour ôter la peau prévue en cas de reconstruction, ensuite rdv avec mon tatoueur pour un superbe dessin.
je reviendrai sur votre site,
je vous espère gaie et combative, en espérant que vous supportez mieux le traitement d’ hormonothérapie, les douleurs articulaires s ‘estompent, je fais bcp de sport, nage, marche, gym, kayak…je crois que cela aide…
Elisabeth