Carlo mon carcinome lobulaire infiltrant s’étant porté à ma connaissance il y a pile un mois j’ai décidé 1 de procéder à un petit fact checking des mesures du Plan Cancer comparée à mon expérience en phase de diagnostics.
Disclaimer : sur l’objectivité je n’offre aucune garantie et les remboursements ne sont pas prévus
Cet article a été publié dans l’épicerie de Guy Birenbaum le 3 Août
Note du 30/08/2013 l’article est révisé voir le bas de page
Le Plan Cancer 2009-2013 annonçait qu’il avait pour but de mettre en place ” “De nouveaux efforts de recherche et d’innovation, une meilleure prise en compte des inégalités de santé face au cancer, le renforcement de la coordination des soins, de nouvelles initiatives sanitaires et médico-sociales”
Ce plan représentait près de 750 millions d’euros de mesures nouvelles.
Je ne vais pas vérifier l’utilisation des fonds, mais selon les bonnes habitudes française je parierais mes deux seins ( je ne prends aucun risque ils sont appelés à disparaître) que des dépenses somptueuses ont été affectées à rémunérer une bande d’incompétents pour l’élaboration de plan de communication, de sites webs, d’impression de plaquettes, et de flyers non distribués et d’études que personne ne lit et de réunions où les experts ne sont pas écoutés par des fonctionnaires occupés à checker leurs mails ou inversement. Mon expérience en ce domaine est extensive.
En regardant néanmoins le budget 2012 de l’INCA on remarque qu’il a été excédentaire de 6.5 M € et qu’en 2013 le prévisionnel est toujours de 104 M €. Je ne suis pas persuadée et n’ai pas d’éléments (le bilan comptable n’est pas publié) que le trop perçu de subventions ait été remboursé.
Ce plan a été renouvelé pour la période 2014 et on attend avec impatience (là je souris) les recommandations du Pr Vernant qui devait rendre sa copie fin juin et ne l’a pas fait note du 30/08 à ce jour et le budget prévisionnel des actions qui seront retenues par le gouvernement.
Cette étude 2 est limitée puisque je ne confronte que mon cas aux 30 mesures et 5 axes du Plan cancer et que je n’ai à ce jour que l’expérience des pratiques du Centre Léon Bérard à Lyon. J’ai donc décidé n’étant pas journaliste mais simple usagée et usagère 3 du cancer et du CLB de comparer les mesures du plan, les annonces du Centre sur son site et le parcours que j’ai vécu ces 30 derniers jours.
Pour les lecteurs de ce blog qui ont suivi les aventures de Carlo depuis le début, cet article tentera d’être objectif contrairement aux épisodes précédents qui n’avaient aucune autre ambition que de me servir d’anxiolytique, de vous faire sourire et qui sait de vous informer mais là, j’ai des doutes.
Déjà éliminons l’Axe 1 du plan intitulé RECHERCHE et passons à l’observation dans l’Axe 2 : grosse déception pas de publication depuis 2011 et rien du tout pour la mesure 8 de l’Axe 2 ( ça y est je vous ai perdu ? ) intitulé “Développer l’épidémiologie sociale des cancers” donc ne développons pas et passons rapidement à l’Axe 3 : Prévention – Dépistage.
Là rien à dire pour Carlo j’avais reçu les invitations à aller me faire écraser les seins pour un shooting ou une mammographie dès mes 50 ans, mais j’avais devancé l’appel d’un an, à mes frais et tout était normal. Ensuite ça a merdé, j’ai déménagé dans un autre département et Ameli cette réussite totale de la Caisse Nationale d’Assurance Maladie a égaré mon dossier deux ans.
L’Institut National du Cancer t’explique le dépistage ici , mais dans la réalité c’est une manipulatrice radio pas toujours très concentrée ni compétente qui te positionne les nichons et pas le radiologue comme sur la photo de l’article. Ce dernier le plus souvent radiologue de ville, entre golf et piscine, va interpréter avec plus ou moins de sérieux les images. Il peut te faire une échographie pour préciser, mais là Germaine, il faut espérer qu’il a :
- suivi une formation
- qu’il/elle sait se servir de son matériel
- que le matériel est entretenu correctement et étalonné pour une bonne lisibilité
Ensuite Carlo a eu la bonne idée de me donner des signes indirects de sa présence et j’ai demandé à mon généraliste une ordonnance pour une séance photo et bam la mammo était notée ACR5 (si ça devient trop technique je te conseille le lien précédent) par une radiologue parisienne (je travaillais) dont le cabinet facturait un dépassement de 200% du prix sécu (faut pas se gêner) et qui selon l’avis ultérieur des radiologues de Bérard avait fourni un boulot pourri. Donc on a tout refait et la Sécu a payé pour rien la première série d’examens et ma complémentaire le dépassement.
Venons en directement au chapitre 5 Garantir à chaque patient un parcours de soins personnalisé et efficace ; parce que je te sens impatient et que cet exercice m’amuse moyennement.
Une petite chronologie de Carlo
- 4 juillet : 2013 1 ère Mammographie ACR5, suivie de panique dans la tête de l’auteure, coups de téléphones en tout genre et par chance dans le répertoire un cancérologue lyonnais, amical et efficace. Envoi par mail du compte rendu radiologique, réponse immédiate et indications pour prendre rendez-vous à Léon Bérard à Lyon pour la suite du diagnostic.
- 5 juillet : visite chez le généraliste – médecin traitant- larmes et angoisses- ordonnance de Xanax, pour tenir le weekend. Rendez-vous fixé le 10 juillet à Bérard pour écho et ponction. soit à J+3 jours ouvrables comme annoncé sur le site web du centre. CLAP CLAP
- 10 juillet : Rendez-vous au centre des maladies du sein, échographie, mammographies et deux biopsies. We have a winner c’est bien un cancer. Prise de rendez-vous pour IRM des seins le 18 et rendez-vous avec le chirurgien fixé au 22. Retour chez le généraliste. Kleenex et Kleenex. Xanax et Xanax.
- 18 juillet : IRM apparition de 3 nouvelles tumeurs et communication (sous la contrainte) des résultats des biopsies. C’est un Carcinome Lobulaire infiltrant des deux seins et nous l’appelons Carlo. Retour chez le généraliste, Kleenex et Kleenex
- 19 juillet : Biopsies des 3 nouvelles tumeurs
- 22 juillet : consultation avec le chirurgien. Silence, on va couper le 23 août. Léger désaccord entre les parties, il veut en couper un et des morceaux de l’autre, la partie adverse et concernée réclame un traitement plus radical et un reboot system complet.
- 25 juillet : Scanner d’extension, ouf pas de métastases
- 26 Juillet : nouvelle biopsie (la 6e) à la demande du chirurgien qui a “oublié” la demande de la patiente et se contrefout des hématomes et douleurs associées.
- 30 juillet : scintigraphie osseuse, ouf , toujours pas de métastases.
- 30 juillet : la malade se rebiffe et demande à voir l’infirmière pivot parce qu’elle a plein de questions et que personne ne lui répond.Que le centre d’information financé par le Plan cancer est fermé pour trois semaines.
- Prise de sang pour finir le bilan d’extension: oh surprise les marqueurs du cancer sont présents. Globalement on se doutait que ça n’était pas un rhume.
- 5 août: second rendez-vous avec le chirurgien – rendez-vous avec l’anesthésiste et la coordonnatrice chargée de ? Je te le donne Emile, l’annonce de la maladie.
Pour l’efficacité annoncée je n’ai pas d’éléments d’appréciation comparatif mais 30 jours pour un diagnostic complet ça me semble un peu long, source d’angoisses inutiles, de manque de sommeil mais peut-être est-ce la norme.
Il est écrit sur le site du CLB
“Dans le cadre de la consultation d’annonce de la maladie, une “assistante de soins” propose de vous rencontrer après l’annonce de votre maladie par le médecin, mais aussi, si vous le souhaitez, tout au long de votre traitement lors des venues au CLB. Au cours de cet entretien, sont abordés différentes questions : le déroulement de la prise en charge, les examens complémentaires, le programme personnalisé de soins, les effets des traitements, les conditions d’hospitalisation, les soins de support, les associations…”
Là tu vois il existe déjà un léger décalage, une faille temporelle, puisque je SAVAIS que Carlo était là depuis le 18 juillet et que j’ai dû me débrouiller toute seule avec l'”ANNONCE DE LA MALADIE” et ma famille aussi. Si tu veux savoir comment j’ai fait et bien je te conseille vivement de lire mon journal pour cette période.
Si je résume
Le plan cancer pour moi c’est effectivement un rendez-vous rapide dans un centre spécialisé qui a un plateau technique complet, un centre de recherche et des spécialistes, mais aussi c’est être considérée comme des tumeurs, des seins à éliminer mais à ce jour pas encore comme une personne. Qui sait, ça va venir, ne désespérons pas. Pas encore, nous n’en sommes qu’au début. Je dis-nous- parce que ce cancer c’est aussi celui des miens, famille et amis qui m’entourent et ne me font pas désespérer et que j’empoisonne avec cet invité indésirable qui sème le boxon dans nos vies.
Un dernier point pour mes amis médecins généralistes, le plan cancer prévoyait :
“Le médecin traitant est le référent médical légitime pour coordonner les soins à domicile, aux côtés des autres professionnels de santé de proximité, que sont les infirmiers libéraux, les pharmaciens et les acteurs des réseaux de santé. ” et pour cela le médecin traitant est censé être informé en temps réel.
Mon généraliste et ami depuis 25 ans a été informé en temps réel par .. moi et selon son expérience de terrain avec d’autres patients atteints de cancers divers.
– Je reçois les comptes rendus en moyenne 15 jours après les examens ou interventions.
J’ai donc à chaque examen, demandé à la secrétaire de chaque département de faxer ; oui faxer parce que le DSI n’a pas pensé qu’on pouvait communiquer avec l’extérieur de l’établissement ou que donner un accès au dossier patient dématérialisé au médecin traitant était judicieux ; les résultats à mon médecin, parce que malgré les droits du patient ” on peut pas vous les communiquer” ou je les ai photographié sur le bureau du médecin consulté ou extorqué de force parce que je suis une emmerdeuse et que je le vaux bien
Tous les billets de et sur Carlo sont là
Note 1 : Tout ça c’est la faute de Guy Birenbaum et du New Yorker
Note 2 : Pas pire que les sondages à la con de certains organes de presse
Note 3 : j’ai 53 ans donc je suis usagée et comme vous conçue pour une obsolescence programmée à échéance variable
Note du 30/08/2013 Hallelujah comme on dit chez nous ; le Pr Vernant a rendu son rapport avec 60 jours de retard, il avait piscine avant probablement. Le rapport est accessible ici
Merci Dominique, je connais la RCP mais chez moi ils se concertent et s’engueulent déjà par mail. Attendons que l’oncologue rentre dans la danse pour lancer la polka !
Bonjour
Il reste une étape surréaliste : la réunion de concertation pluri-disciplinaire (RCP) où votre cas va être étudié par un aréopage de spécialistes. Il y manquera curieusement deux personnes : vous, et votre médecin-traitant (tout est fait pour qu’il ne puisse pas vraiment y assister). On vous informera ensuite de ce qu’on a décidé pour vous.
Bonjour
Je vous ai rencontré chez l’épicier de Guy.
Ce que vous racontez est malheureusement le quotidien de tous ceux qui rencontrent un “Carlo” dans leur vie c’est a dire plus de la moitié d’entre nous.
L’histoire du dispositif d’annonce est une grande illusion. Les médecins n’en veulent pas en réalité. Ils pensent pour la grande majorité qu’ils savent faire. Faux pour la plupart. De plus ils n’informent que très peu les patients sous le prétexte que cela va leur faire peur. Ah bon! Quand on se sait atteint, on oublie sa peur peut être ! C’est notre première pensée en se levant et la dernière en se couchant. Xanax!
Pour votre médecin traitant, encore raison. Les médecins hospitaliers vont petit à petit le mettre sur la touche. Alors que les patients tiennent a cette personne ressource, ce proche là depuis tant d’années. C’est lui qui sera là quand vous en aurez besoin. C’est lui qui viendra chez vous quand il y en aura besoin. Ce qu’il fera, aucun des médecins hospitaliers ne le fera.
N’hésitez pas a demander à rencontrer un psychologue. La plupart du temps on ne vous parlera pas !
Alors courage et persévérance !
Loulapel
Ps : je suis assez en colère contre ce système. Cela fait 15 ans que je suis psychologue hospitalier en cancérologie et rien ne change.