Le moins de janvier se termine toujours dans la morosité. Alors ne t’attends pas à un billet youp la boum le cul sur la commode.
La grisaille, l’humidité et le froid n’ayant que peu de rapport avec les réflexions un peu teintées de noir de cette fin du premier mois de l’année. Il y a bien eu les attentats, les 70 ans de la libération d’Auschwitz qui m’ont plombé le moral, la nouvelle d’un ami diagnostiqué avec un cancer a aussi rajouté une couche de gris au fond.
Si je compare janvier 2014 et le mois qui se termine, objectivement j’ai la sensation d’être toujours coincée à la même table de poker avec les mêmes joueurs.
Je le savais depuis longtemps, le mot rémission n’était pas inscrit à mon programme. A cette table la sortie est fléchée quand tu as épuisé tes jetons. On ne te redonne pas de jetons en cours de partie, tu mises ce que tu as et quand la cave est vide, pas de recave possible. Tu sors.
Certes je me suis débarrassée de la relation houleuse avec la radiothérapeute et le refus de traitement n’a pas été une étape facile, on ne peut pas dire que le soutien des médecins dans mon choix ait été franc et massif. Seul mon généraliste a été compréhensif. Certes, côté vie de famille j’ai eu des grands bonheurs avec la naissance de deux petits enfants de plus. Certes je viens d’achever la rédaction d’un livre qui sortira en mai. Mes aventures et humeurs métastatiques couchées sur papier mat. Fuck my cancer le livre. Je devrais sauter de joie, me rouler dans l’herbe glacée de la prairie voisine mais j’y chopperais une crève bien inutile. Tu vois ça n’est pas la grande forme.
Alors depuis janvier 2014 il se passe quoi ? Une alerte métastase et deux contrôles semestriels plus loin, je constate que le cancer est toujours là, nous sommes passés de la probabilité de développer des pathologies connexes au traitement à la réalité de la chose.
La preuve en est visible dans ma formule sanguine qui se remet à faire du n’importe quoi grâce à la conjugaison des anti-aromatases et de la castration chimique. les médecins tu le sais aiment bien les preuves tangibles, scientifiquement mesurables, les on-dit, et l’expérience du patient ne suffisent pas. Hélas.
Appelons un chat un chat, il fallait induire l’arrêt forcé de l’application OVAIRES pour que cesse l’émission d’hormones nourrissant mon carcinome Ce fut donc l’entrée en piste du Décapeptyl ® c’est un médicament utilisé pour traiter l’infécondité chez les femmes et le cancer de la prostate chez les hommes, l’utilisation pour le cancer du sein en complément de l’hormonothérapie n’est pas mentionnée dans l’avis de la HAS mais la prescription semble commune. Soit. Les effets secondaires de ce traitement programmé sur deux ans ne sont pas anodins, outre la ménopause qui est l’objectif, j’ai droit à des troubles de la vision, des douleurs abdominales et pelviennes qui vont et viennent et d’autres symptômes qui ne sont pas référencés donc je ne sais pas si c’est cette molécule qui les induit ou l’évolution du cancer.
Côté anti-aromatases, nous avons opté pour le non substituable après six mois de générique et l’augmentation un peu trop rapide des douleurs musculo articulaires. Aucune amélioration de la tolérance, et aujourd’hui mon Karnofsky rechute et plus ça va, plus je coche de croix dans le questionnaire symptômes multiples mais ça ne dérange personne, sauf moi.
Au début de cette semaine j’ai fait réaliser une analyse sanguine et le cholestérol (le mauvais, celui qui bouche les artères et les coronaires) continuait l’ascension de son Mont-Blanc personnel, il avait dépassé le camp de base et attaquait le sommet. Le calcium son pote lui se baladait en cordée bien attaché et gravissait la pente . ma tension artérielle dont j’étais si fière, oui moi la grosse hypotendue depuis toujours, elle grimpait bien allègrement me filant des maux de crâne dus à l’altitude. Et la cerise sur le tableau c’est la vitamine D qui fugue, bien qu’on la ramène menottée chaque mois. Elle s’échappe, de plus en plus vite, de plus en plus tôt.
Avec un peu de clairvoyance j’apprécie le risque cardio vasculaire à venir et même si mon oncologue m’a dit « ça ne se bouche pas aussi vite » et que mon généraliste a rajouté « tu bouches tes artères, on sait les déboucher, un ressort et c’est reparti, alors que si tu arrêtes l’hormono c’est ton cancer qui repart » . Je n’ai que moyennement apprécié la perspective d’attendre le caillot qui va au choix se loger dans mes poumons ou mon cerveau. Je me prépare au pire, histoire de ne pas être déçue. J’ai déjà des douleurs veineuses profondes, la thrombose n’est plus très loin. Je laisse tomber ta poker face et fais l’inventaire de mon jeu.
Je repars pour un tour cette fois chez le cardiologue, parce qu’avec mon anniversaire qui arrive je passe de 3 à 4 facteurs de risques, mais de statines je ne voudrai pas. Pour le calcium j’ai appelé mon oncologue, enfin je lui ai écrit, suggérant une nouvelle scintigraphie, des fois que des métas osseuses se soient invitées. Pour le moment il n’est pas chaud bouillant sur le sujet. Il va falloir que j’insiste un peu. Parce que mon bras gauche a tendance à devenir inutile certains jours, que les os de mes jambes me font mal et que là Ginette, pour changer je dis Fuck toute la journée.
J’ai toujours mon jeu de cartes cancer, celui ou la carte stop, permet de mettre un terme à l’empoisonnement permanent de mon organisme, déclenchant l’angoisse des miens parce que pour eux l’abandon n’est pas une option. Mais du côté de la malade, celle qui décide, le royal flush dans sa main pèse lourd, elle hésite à tout déposer sur le tapis et murmurer all-in avant de pousser tous ses jetons. Il y a bien des rumeurs que tant que tu as un jeton et une chaise, tu peux remporter la partie, mais a chip and a chair c’est une rumeur.
PS : Pour le vocabulaire poker tu peux toujours toujours consulter le lexique là
Envie de dire plein de gros mots. Je t’embrasse, mais envie de dire plein de gros mots.
Ouais t’as bien raison, fuck le cancer !
Bravo pour ton courage. Mon scanneriste est persuadé que j’ai eu une radiothérapie du sein au vu des dégâts causés par mes métastases au poumon. « Ces remaniements ils sont post-radiques, mais si, mais si. »
Grace à toi, j’ai commencé à me poser des questions, et quitté les monstres qui ne pensaient pas une seconde à me guérir mais à se faire du fric à mon détriment sanitaire.
MERCI.