FUCK MY CANCER - Le Blog cancer du sein

Mourir un jour

J’ai commencé à écrire ce texte le 21 mars 2016 lorsque je croyais que j’allais mourir prochainement à cause de la nouvelle métastase découverte dans mes méninges. Le temps a passé, je suis encore là. Nous sommes le 6 novembre 2016.

Mars 2016

Le temps qui passe est mon ennemi même si la maladie évolue lentement elle évolue tout de même.
La semaine dernière nous avons appris qu’une métastase avait élu domicile dans mes méninges au niveau du lobe pariétal droit de mon cerveau. Un petit coup de Google pour comprendre ce qu’il se passe dans mon crâne :
« Le lobe pariétal est considéré comme un cortex associatif hétéromodal. C’est-à-dire qu’il joue un rôle important dans l’intégration des informations issues des différentes modalités sensorielles (vision, toucher, audition). Cette région du cerveau est notamment impliquée dans la perception de l’espace et dans l’attention. »
La métastase a aussi provoqué une méningite carcinomateuse ce qui signifie une inflammation des méninges à cause du cancer. Les symptômes que j’ai ressenti ces dernières semaines étaient dus à la méningite plus qu’à la métastase qui n’écrase pas le cerveau.
Encore un petit point Wiki sur la méningite histoire de savoir où on met les pieds : Les métastases leptoméningées se manifestent par des céphalées, des troubles des fonctions cognitives (pertes de mémoire, confusion mentale, changement de comportement), des troubles de la marche, des nausées, vomissements, une diplopie (le fait de voir double). L’hydrocéphalie et l’augmentation de la pression intracrânienne se retrouvent aussi fréquemment.
Ce qu’il y a de bien c’est que tu n’es pas obligée d’avoir TOUT les symptômes pour être prise en charge médicalement. Dans mon cas en dehors des nausées et vomissements j’ai tout bon à des degrés divers.
Depuis des mois je me plaignais d’une intolérance aux lumières vives, aux bruits et brouhaha, j’avais aussi des difficultés à me concentrer pour participer à des conversations croisées. Dès le printemps 2015 j’avais ressenti pendant la promo du livre ces gênes et cette fatigue, on avait mis ça sur le dos de l’hormonothérapie que j’ai interrompue à cette époque, abandonnée d’ailleurs plus qu’interrompue. La promotion du livre me demandait beaucoup d’énergie. Trop.
Pourquoi reparler du printemps 2015 ? Pour vous convaincre et me convaincre que l’évolution est lente et que les soins palliatifs dont je bénéficie vont me laisser encore du temps pour vivre de jolis moments.

19 mars 2016

Je quitte Bordeaux pour Lyon et vais à la clinique Protestante pour passer L’IRM, après être passée à la maison. Pour une fois j’ai accepté d’être accompagnée, mon amie Gil m’a rejoint à la clinique et c’est avec elle que je digérerais l’annonce du diagnostic. Le radiologue est inintéressant et peu attentif ; il me suggère de faire une biopsie et un prélèvement du liquide céphalo rachidien. Je refuse et repars avec mes clichés et son compte rendu. Je suis soulagée de savoir qu’il y a quelque chose. Mes symptômes sont autant de signes que valident le diagnostic d’imagerie et expliquent mes maux de têtes et les autres symptômes cités plus haut. Cela explique aussi l’état d’angoisse que j’ai traversé pendant les préparatifs de mon voyage aux Etats-Unis. Cela n’était pas normal, j’adorais voyager seule, je ne comprenais pas pourquoi ce voyage me semblait insurmontable. C’était la faute de la méningite. Ce voyage que j’avais désiré me faisait quitter ma zone de confort depuis 2013 et le début de ma maladie. Je prenais conscience que ce cancer m’avait transformé en une sorte de poule mouillée. Quelle ironie pour moi la casse-cou.
Quand j’ai retrouvé Gil nous avons été boire un thé, j’ai blagué je prenais cette annonce à la légère, rien à voir avec l’annonce de juillet 2013. Je ne paniquais pas je savais que j’étais prise en charge par mon oncologue et mon généraliste. Je savais au fond de moi que ce cancer du sein ne serait pas sage et qu’il irait explorer d’autres contrées de mon anatomie. Le cerveau plutôt que le poumon ou le foie. Mais l’un n’empêche pas l’autre. Bref on repartait pour un autre tour de manège. Gil a joué le jeu et quand j’ai écrasé une larme elle a fait comme si de rien n’était, nous avons choisi de ne pas relever le nez dans nos gobelets de thé.
Je n’aime pas les roller coaster et autres grands huits pourtant en une semaine cela a été le rythme haut bas la tête à l’endroit puis à l’envers. J’ai finalement pété un câble à cause de la caféine et de la cortisone, ça a sonné le rappel des troupes et le week-end suivant toute la tribu était réunie. J’ai commencé à faire mes adieux. La deuxième semaine suivant l’annonce j’avais déjà épuisé tous les scénarios, préparé mes obsèques et j’ai craqué. Après je me suis retrouvée en consultation de soins palliatifs et j’ai rendu les armes.

18 octobre 2016

Tout s’est apaisé et nous prenons la vie comme elle vient au gré de mes chutes, douleurs et vertiges divers. La cortisone m’a transformée en bibendum Michelin et c’est le moindre des effets secondaires indésirables. Jour après jour je vis au présent. Je n’ai plus de projet à long terme, le temps s’est raccourci je m’envisage encore vivante deux ou trois mois, et chaque jour qui passe fait bouger le curseur sur l’échelle de mon futur.
Je me demande comment et quand cela finira, personne dans l’équipe qui me suit ne formule autre chose que des hypothèses tout en se gardant d’en mettre une en avant plus qu’une autre.