Hier il faisait beau, très beau. Le froid du ciel bleu m’a rappelé la Caroline du Nord au début de cette année et du diagnostic qui a bouleversé ma vie. Je n’ai plus le droit de prendre l’avion, ça m’agace parce que j’aurais bien voyagé encore un peu avant de mourir. Huit mois ont passé depuis le diagnostic et je suis toujours là, plutôt en meilleur état grâce aux bons soins de mon médecin en soins palliatifs.
Cette histoire d’interdiction de vol est un point de fixation de mes frustrations. Mon périmètre de vie se restreint malgré mes efforts à maintenir un semblant de vie normale.
Je ne peux plus faire le ménage correctement, ça m’agace aussi bien que je n’aie pas une franche passion pour les activités domestiques, j’aime juste vivre dans une maison propre. Je ne peux plus me baisser, les araignées s’en donnent à cœur joie, elles filent plus que je ne détruis. Les araignées ont pris le pouvoir. Je ne peux plus grimper sur un escabeau, elles ont investi les plafonds.
Je vais donc essayer de trouver une aide-ménagère et surmonter le désagrément que me procure la présence d’un tiers chez moi. Le prix à payer est léger pour retrouver la propreté.
Je croyais que je ne pouvais plus me balader à cause de mes vertiges. Avec mon époux nous avions convenu que seule c’était dangereux, surtout si je m’éloignais du chemin asphalté pour explorer les champs et les bois. J’étais tombée suffisamment pour accepter cet état de fait. Finies les promenades sur les chemins plus ou moins boueux de ma campagne.
Hier il faisait beau, très beau. Avec ma nièce, sa fillette en écharpe de portage et son chien nous avons été marché. Une heure sous le ciel bleu, une heure en contact avec la nature. Une heure comme avant. Avant la méningite. J’étais bien. Un peu rouge poivron, assortie à mon anorak. Je ne suis pas tombée, j’ai marché doucement à mon rythme qui est désormais lent. C’est la vie, ma vie au ralenti. Le temps s’étire ou se rétracte je n’ai pas encore décidé.
Ma vie au ralenti
Par Manuela
10 Commentaire(s)
Bonjour,
Heureux d’avoir de vos nouvelles, toujours.
Du ciel bleu, des araignées, une maison à entretenir, la nature, une marche ralentie avec un enfant et un autre enfant qui se portent mutuellement, et vous portent aussi ..;
De la frustration, de l’impuissance, de la vie quoi …
Dilatation du temps ou rétractation, c’est selon les cultures et les croyances personnelles, je crois …
La physique a son point de vue, ce qui ne nous avance que guère …
Tout cela ne me semble pour ma part que peu éloigné des marches en pleine conscience, où le déroulé du pied, du talon à la pointe des orteils, couplé à la respiration suspend notre perception habituelle de la temporalité, (quand cela commence-t-il, quand cela finit-il); à l’expérimentation physique de l’exercice, sans me pencher sur les croyances liées, le vertige potentiel est dans le permanent recommencement, et l’absence de perception habituel, échangé pour un simple flottement étrange.
Une heure comme avant, une heure comme maintenant ?
Je n’ai pour ma part pas encore tranché, et doute que je le fasse un jour.
Je m’en exaspère, m’en désespère, m’en auto-apitoie, et autres fulgurances dérangeantes, là où je souhaiterais une paix compliquée.
Je fais mon malin dans ce mot à votre intention, mais je sais bien qu’à “lâcher” sur ma décrépitude physique et mes doutes existentiels, mes douleurs physiques, avec un mental encore assez actif, parfois, s’ouvrent d’étranges fenêtres, sur un mélange de contemplation, de sublimation, et de réalité crue qui sont comme un électrochocs.
Noël approche, le bois brûle dans votre cheminée, et les araignées prennent leurs quartiers.
Et toujours pénible d’avoir un tiers dans son espace personnel et intime, dans sa maison.
Mais …
Ce n’est plus de vous lire, c’est de vous écouter qui m’aide à apprendre quelque chose que vos continuez à donner.
Ce en quoi je vous suis infiniment reconnaissant de votre volonté de maintenir ouvert ce lien.
חג מולד שמח, ça doit être ça.
Dunes
je suis contente que vous soyez toujours là. J’espère vous lire encore longtemps.
Les araignées représentent l’àme dansdescivilisations anciennes !!!elles veillent sur vous ! Vivre au ralenti c’est vivre quand même .Je vous envoie mes meilleures pensées
La vie, encore la vie, jusqu’au bout: merci de nous montrer ce chemin là!
TU ES toujours la plus Grande Mâ,
Pour les araignées oui, c’est indispensable l’aide ménagère, tu ne vas pas te laisser envahir par des trucs plein de pattes qui te narguent au plafond.
Je chemine a ton rythme, malgré mon rythme infernal du moment, je te suis des yeux, n’oublies pas. Et le temps n’est qu’un outil de mesure, laisse l’instant prendre sa place, lui ne se rétracte ni ne s’étire.
Et une heure d’amour gagnée en plus, une heure que personne ne vous prendra.
Pleins de doux baisers ma chère Manuela!
En tout cas,vos écrits transmettent de belles images et rendent la nature plus belle !
Avec toi dans ce cheminement … affectueuses pensées … gros bisous
Je suis tellement contente d’avoir de vos nouvelles et vous voyez , vous êtes toujours là et vous profitez …..du temps.., des gens… Il vous reste peut être encore plein de ces petits bonheurs qui sont tellement chers à nos cœurs quand on est malade. Alors à bientôt pour nous raconter comment vos araignées ont fêté Noel ;-)
Corinne