Jour après jour je vis au présent.
Jour après jour je vis au présent. Je ne tiens plus de journal et parfois je confonds les événements récents qui se sont passés dans ma vie qui rétrécit, ou plutôt je mélange la chronologie. Je suis obligée de plus en plus fréquemment de vérifier la date sur mon téléphone ou mon ordinateur de bureau ou de demander à mes proches.
Ça n’est pas grave me dit-on , cela arrive à tout le monde. Oui mais le contexte n’est pas le même pour tout le monde.
Jour après jour je vis au présent. Je conjugue le verbe tomber bien trop souvent, mes jambes ressemblent à celles d’un gamin revenant d’une ballade au parc le mercurochrome en moins et l’oedème en plus. Pas trop d’éraflures plutôt des hématomes . J’ai de bons réflexes pour me réceptionner quand je tombe, un reste d’automatisme du judo pratiqué il y a un demi-siècle. Ecrire 1/2 siècle me fait réfléchir et sourire à l’évocation de l’enfant que j’ai été. Une petite fille casse cou à qui il ne fallait pas beaucoup d’encouragements pour lui faire faire une bêtise et se faire mal en sautant du toit d’une cabane à outils, par exemple.
Après avoir essayé de retarder l’échéance j’ai rendu les clefs de la voiture. Je devenais dangereuse pour les autres et je n’aurais pas voulu blesser ou tuer qui que ce soit. Les médicaments et la méningite combinés ou séparément représentaient un risque trop élevé. Encore une perte à classer au dossier autonomie dans la colonne moins. Me voilà à nouveau contrainte à faire des listes pour ne pas oublier des denrées quand un de mes chauffeurs m’accompagne faire des courses. Pour le reste j’ai recours aux sites de vente en ligne. C’est le prix à payer quand on vit à la campagne. Vivre au présent est aussi compliqué, à chaque projet évoqué par un proche je pense : “si je suis encore là” . J’ai cessé de le dire mais mon entourage le sait et le pense aussi, c’est juste impossible d’être dans la répétition permanente, dans ce rappel douloureux. Vivre au présent oblige à ne plus remettre à demain, finie la procrastination.
Vivre au présent sans évoquer demain est une contrainte infernale. Alors je triche et je me projette à un mois ou deux. Préparer les fêtes de fin d’année semble possible, il sera toujours temps d’annuler. Projeter sa vie à deux mois d’échéance rend le quotidien plus facile pour tout le monde. En apparence.
Vous écrivez juste et vous lire nous apprend beaucoup de notre relation avec la vie…
Vous etes un exemple.
merci
Très touchant. Bravo
Quel talent !
Quelle dignité et clairvoyance !
Je vous admire.
Bonjour,
Je retourne vers vos derniers billets calendaires, je vous lis plutôt silencieusement, avec attention; d’une manière ou d’une autre, à chacun la sienne; vous marquez, pointez, hier les protocoles de soin, les soignants, octobre “pink”, les hauts, les bas, aujourd’hui ce qui est plus pressant contre vous, que vous continuez à regarder droit dans les yeux. …
Il y a sans conteste plus d’informations, de réflexions, d’introspection, de mise en relation concernant le cancer que ce que tout “entrant” dans le CancerLand pourra trouver dans ses premiers pas à l’annonce d’un diagnostic.
La terrible “chose”, bien sûr, est ce que, en creux, dans la partie cachée des parcours de soins et autres acrobaties promises aux malades, vous désignez très précisément, sur le manque d’information dans l’Institution cancer, d’attention, de réelle présence…
Les personnes croquées à grands mots qui cinglent bien comme il faut, là où il faut, ces personnes qui ont été une aide, sont encore une aide pour vous, ne peuvent compenser le poids dans la balance terrible du manque de “médecine humaniste”.
Je suis assez content de vous savoir bois rentré, cheminée récurée, et clavier encore iconoclaste.
Pour le reste, pensées, sur ce que l’on ne dit pas, que vous dites et que je lis, et pour vous.
Je me console de la perte de ma sœur en vous lisant silencieusement
Vous vous seriez plu, j’en suis certain.
Pensées, donc.
Dunes
Bonjour,
Je viens de finir à l’instant votre livre! je suis aide soignante dans un service de cancérologie mais dans une petite ville! Cela veut dire qu’on voit très rarement des gens guérir…. Votre discours est très juste et devrait être lu par chaque personne qui travaille auprès de personnes malades!
J’aime mon service car mes patients sont authentiques, on ne triche pas ! Ils m’apportent tout ce que notre société faite d’apprendre et de semblent ne nous donne plus: de VRAIES relations humaines! Merci
Chère Manuela
Je guette et lis en ce mois sacré des “nichons roses” tes posts (mémorables) histoire de rire (jaune, noir…rose bonbon) mais aussi de réfléchir un peu….
Encore quelques jours de rubans et flonflons roses et après on passe à la caisse pour connaître le “chiffre”… “L’après cancer” et pour toutes les autres, celles qui vivent “avec le cancer”, peu d’espaces…
Les médias préfèrent les happy end!!
Je guette tes mots car j’adore ta plume!
Je t’embrasse fort ma chère Manuela
Manuela, je vous suis depuis peu, grâce à Hélène/Pernelle.
Vos mots sont l’écho de votre âme, rieuse et juvénile, on a envie d’être votre amie car vous êtes une sacré nana, mes mots sont pauvres mais je voudrais juste vous redire combien waouhhh je suis scotchée en vous lisant
Et aussi que je vous souhaite de profiter le plus des bons moments qui restent malgré tout.
Je vous embrasse
Je suis heureuse de vous lire. Moi aussi j’ai vérifié la date. Oui, c’était hier le 23 octobre, donc vous pouvez me lire aujourd’hui le 24. De temps en temps je viens, je vérifie si vous avez posté. Je vérifie si vous êtes encore là. A bientôt de vous lire. Tendresse et respect.
Nous ne nous connaissons pas mais je vous embrasse de tout cœur, Manuela
Profitez de chaque jour.
Bonjour
Je ne sais pas pourquoi mais chaque jour
Je pense à vous
À votre combat
Même si je ne l’écris pas.
Je vous embrasse
On avance tous à pas de loup de peur de dire une connerie, à toi si forte et généreuse qui doit porter tout ça, cette saloperie de fardeau injuste et insupportable.
Plus tu nous raconte et plus je vois la petite fille que tu étais… on aurait été meilleures copines !
Je t’embrasse fort fort fort et à tout de suite, à tout à l’heure, à demain <3
Bonsoir, je vous envois quelques forces. Demain, je vais refuser ma chimiothérapie. La dernière m’a laissé sans force, sans abnégation. 4 ans et demi de combat c’est trop, je le crains…
Pensons aux fêtes de fin d’année, vous avez raison.
Votre récit me parle, me touche. Il me parle du cancer du poumon de mon père avec métastases au cerveau, ses douleurs de maux de têtes, ses pertes de mémoire et d’autonomie.
Et moi, qui ne sachant pas quoi lui dire lui disait ces quelques mots, ce n’est pas grave, je suis la, je t’aime;
Je ne vous connais pas sinon à travers ce blog. Mais sachez que sans vous connaître, je vous dis ce n’est pas grave les oublis même si c’est difficile à vivre parfois.
Le plus important pendant ces derniers mois de combat de mon papa, j’ai laissé ma pudeur de coté pour aller à l’essentiel, mon avenir n’allant pas au lendemain : as t il bien dormi, ne souffre t il pas trop, ou en est il ?
J’appelais chaque matin le service de soins palliatifs et y courait chaque soirs sachant qu’il m’attendait,parfois même sans parler, juste être près de lui, pour le soutenir, lui dire que j’étais fière de lui, quel que soit ses décisions, que jamais je ne le jugerais, que je l’aimais;
Un livre de Marie de Hennezel m’a aidé pendant cette période, cherchant à chaque instant des moments de vie, de rires, d’amour.
Toutes mes pensées pour vous et vos proches
Depuis longtemps je lis vos billets je n’avais jamais commenté par peur d’être maladroit. Vous le savez probablement je suis médecin. J’ai reçu comme un coup de flash vos billets;Ils éclairent et éblouissent. J’ai toujours un peu honte à prendre la souffrance des autres pour m’améliorer en tant que soignant. Pourtant si vos billets peuvent servir aux soignants à mieux aider les personnes comme vous, alors devrais je avoir honte? Je ne crois pas, mais peut être que je me trompe. Seul vous pouvez le dire. Un grand merci pour ces billets.
Juste envie de vous serrer très fort.
J’avance a pas silencieux ou en gros sabots? Désarmée,je le suis mais on s’en fout. Magnifique texte limpide, lucide. Je salue cette générosité de partage tout en éloignant le pathos. C’est vrai que sur la procrastination, cela a au moins l’avantage d’être dans l’action. Votre verbe est si riche !
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