Je ne suis pas patiente mais un ex-patient. Quand je lis les articles de ce très bon blog ou des témoignages dans la presse, j’ai l’impression d’être un extra terrestre.
En 2002, j’ai été diagnostiqué à 25 ans d’un cancer du testicule droit qu’on m’a retiré illico. J’ai très mal supporté la chimio qui a suivi et j’ai eu du mal à m’en remettre physiologiquement et physiquement, tellement les effets secondaires ont été violents. Ça a mis fin à la belle histoire que je vivais depuis 5 ans avec mon amoureuse.
Le cancer du testicule touche majoritairement des hommes jeunes (de 20 à 35 ans) et, contrairement au cancer du sein, le taux de guérison est très élevé (95%). Les femmes parlent d’agression physique au sujet de la mastectomie (et pour cause!) et de la torture psychologique qui en découle de par l’atteinte à leur féminité. Je n’ai jamais retrouvé l’équivalent chez les malades du cancer du testicule. On souffre dans son coin et on ne dit rien (comme des abrutis d’hommes que nous sommes), alors que la virilité est entamée.
Une chance pour nous, l’intégrité physique extérieure n’est que faiblement entamée (si on ne dit rien à personne, on se rend compte de rien). A l’époque,j’avais 25 ans) j’ai connement écarté tout soutien psychologique.
J’ai rencontré une autre femme après beaucoup de déboires sentimentaux suite à une incapacité à me projeter dans le futur. On a eu une fille en 2008 de manière complètement naturelle.
Mais en 2009, l’autre testicule a été atteint. Et ensuite la situation a peu à peu dégénéré. La maladie a franchi lentement mais inexorablement toutes barrières qu’on mettait en travers de son chemin. D’abord orchidectomie, puis curage ganglionnaire lombo-aortique juste avant Noel 2009, puis scanner et Petscan qui ont montré la présence de métastase dans les poumons, donc chimio de 4 cycles sur 3 mois au printemps 2010 ultra violente. Effets secondaires apocalyptiques, dont une hyper-salivation dépassant l’entendement. Bilan positif, mais rechute avec grosse tumeur dans le poumon au 1er contrôle en juin 2010, hésitation au niveau du protocole ,chimio ou chirurgie d’abord ? Finalement chimio encore plus insupportable mais à Léon Berard à Lyon distant de 120 km de mon domicile, puis retrait de la masse tumorale restante dans le poumon au cours d’une opération dont les complications ont failli me coûter la vie (hémorragie interne, si j’ai bien compris) en novembre 2010. Bilan positif, puis surveillance. Au deuxième scanner, en avril 2011, détection d’un ganglion dans le médiastin, inopérable car étroitement imbriqué entre l’œsophage, la trachée et les grosses veines et artères. Je le sentais puisque j’avais du mal à avaler et ça m’empêchait de bien respirer lors d’efforts physiques intenses. On m’a donc proposé un traitement intensif avec auto-greffe de moelle et isolement en chambre stérile, avec participation à une étude médicale. Aucune alternative possible, traitement de la dernière chance. Il s’est étalé de juin à octobre 2011. J’ai tenu face à l’isolement grâce à la gentillesse exceptionnelle du personnel soignant et à la possibilité de jouer de la guitare dans ma chambre. J’ai paradoxalement mieux supporté cette intensification que tous les traitements précédents (tout est relatif, c’était quand même pas des vacances).
Aujourd’hui il semble que je sois tiré d’affaire. Surveillé tous les 3 mois, j’ai repris mon travail après quelques mois. On a vécu des moments très durs avec ma conjointe, ma fille m’a connu malade avant de savoir parler. Je suis andropausé depuis que j’ai 33 ans. J’ai des bouffées de chaleur, des fatigues et des pertes de concentration aléatoires, des fourmillements dans les pieds en permanence. Ma conjointe a été profondément affectée par tous ces événements et nous sommes passés par une phase très difficile où elle me rejetait.
J’ai abordé cette deuxième partie pas vraiment serein mais fort de m’expérience de la première fois. Ça a été beaucoup plus violent mais j’ai toujours été confiant dans le corps médical. J’ai complètement perdu espoir plusieurs fois dans la souffrance et la détresse psychologique en résultant ont poussé au delà des limites de l’acceptable ce que je pouvais endurer. Je ne me suis jamais questionné quant au pourquoi, pourquoi moi, je n’ai jamais cherché un sens à tout ça. J’ai juste laissé passer les choses, dans l’expectative, comme si ça arrivait à quelqu’un d’autre. L’expérience que j’en retire est l’extrême lucidité qu’on a au moment ou les traitements s’arrêtent. On fait la part de ce qui est important et de ce qui est futile. Malheureusement cet état de grâce s’estompe et on revient rapidement au train-train quotidien des gens ordinaires (ce qui a aussi son côté rassurant).
De tout ceci j’ai écrit un long texte pour faire un scénario de bande dessiné où j’ai raconté les situations ubuesques auxquelles j’ai été confronté. J’ai contacté un dessinateur qui est déjà publié dans une grande maison d’édition et qui est partant pour le projet.
Merci encore à tout le personnel soignant, ma femme, ma fille et mes proches.
Voilà j’espère que je ne vous ai pas trop saoulée, je n’ai pas écrit ça pour me faire plaindre ou partir dans un concours de bite pour savoir qui avait le traitement le plus long/dur. Juste apporter un point vue nonchalant et masculin sur une pathologie qui touche aussi à l’affirmation de la personnalité sexuelle.
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