Meurtre Rose est une oeuvre de pure fiction. Toute ressemblance avec des personnes existantes ou ayant existé, des événements ayant eu lieu, n’est que pure coïncidence. Le lecteur pourra s’en rendre compte. Episode 5 de la série. N’oubliez pas de lire les commentaires qui constituent des suites alternatives de lectrices et de lecteurs et proposez vos suites à chacun des épisodes. Je modère ces commentaires afin d’éviter tout débordement.
Almira Schüller, enfin ce qu’il en restait était entreposée dans un tiroir réfrigéré de l’Institut médico légal au 12 de l’avenue Rockfeller à deux pas du lieu de son assassinat devant le Centre Léon Berard. Ce matin la famille avait demandé à la voir avant que l’autopsie ne soit réalisée. Keller, attendait le mari sur le parking de l’institut , il arriva ponctuel à huit heure accompagné de ses enfants.
Le chirurgien de Léon Berard qui avait opéré Almira en 2013 était convoqué enfin invité à se présenter à 8.30 pour assister à l’autopsie. Keller devait aussi être présente pour recueillir les éléments de procédure, en l’occurrence les balles allaient être mises sous scellées. Pour le moment l’enquête préliminaire était un peu brumeuse. Keller espérait que la balistique serait plus probante ainsi que les résultats de la police scientifique sur le contenu du coffre et la carrosserie du Cayenne noir ou rose.
Félicia Martini, la juge d’instruction, avait tenu à assister à la rencontre avec la famille, elle était aussi sur le parking. Keller vit la voiture de Martinez qui entrait sur le parking, comme il avait déjà vu M. Schüller sa présence était un élément stabilisant et Keller de toute façon détestait les identifications.
Elle s’approcha de Martinez qui claquait la portière de sa Renault un peu plus violemment que nécessaire.
– Si tu peux éviter de faire la gueule pour la famille, ça serait bien.
– Oh ça va déjà que je me suis collée l’accueil hier soir à l’aéroport, je te remercie pour le texto d’ailleurs. Attends c’était » Je suis avec la juge, débrouille-toi pour St Exupéry » dit Martinez à voix basse aussi. Il afficha un sourire pas trop large mais bienveillant quand Marc Schüller apparut derrière Keller.
– Bonjour Monsieur Schüller, on va y aller , je ne voudrais pas que vous ayez à attendre. Je vous présente l’officier Keller qui est responsable de l’enquête et voici la juge Martini qui a été nommée pour l’instruction.
Marc Schüller était grand, une petite soixantaine d’années, les traits tirés par une nuit sûrement blanche. Il portait un costume de lin noir et une chemise blanche. Les enfants étaient en retrait. Ils étaient quatre deux filles deux garçons. Tous portaient des lunettes de soleil et trois d’entre eux avaient allumés une cigarette. La plus âgée portait un joli chapeau de paille et tenait les épaules de sa sœur. Une deuxième voiture immatriculée à Paris arriva , quatre autres adultes en sortirent. Les conjoints pensa Keller. Tout le monde se regroupa à l’ombre. Schüller leur fit signe de la main sans sourire.
– Mes enfants attendront ici je ne souhaite pas qu’ils la voient sur la table, moi j’ai l’habitude , je travaille dans les implants, nous faisons des essais sur cadavre.
Keller s’étonna du ton détaché. Mais elle connaissait ce genre de réaction. Les proches parfois se distanciaient pour se protéger. Il encaissait mais elle redoutait le moment de l’identification.
– Monsieur, nous allons y aller, le professeur Marcelier nous attend, dit Martini en se dirigeant vers l’entrée de l’Institut. Schüller inspira profondément et la suivit. La porte de l’institut était surmontée d’une inscription en lettres romaines dorées qui devait inspirer le respect. Personne ne regarda.
Ils descendirent un étage et après avoir croisé des cercueils en attente d’entrée ou de sortie, ils poussèrent la porte d’une salle d’autopsie vide. Un corps reposait sur la table, il était couvert d’un drap blanc. L’employé avait préparé l’arrivée. Marcelier avait donné les instructions, Almira avait été sortie du sac à viande, et un bracelet avec code barre était attaché à sa cheville droite. Aucune odeur de putréfaction dans la salle ce matin c’était déjà ça.
Marcelier arriva juste et se présenta. Schüller lui tendit une grosse enveloppe en expliquant qu’il avait pensé que le dossier médical de sa femme les aiderait. C’était une première ça, la famille qui apporte les informations au légiste. Marcelier remercia et dit que cela lui serait précieux. Schüller rajouta,
– Si vous pouviez éviter de trop l’abîmer elle a déjà assez dégusté. Vous verrez, les cicatrices vous parleront. Ces derniers temps elle avait de l’ascite abdominale, faites attention en ouvrant. Si vous pouviez juste retirer les balles et éviter le reste, elle y aurait tenu. Nous sommes juifs vous comprenez.
Schüller n’en dit pas plus, Marcelier avait compris il hocha de la tête. Dans la tradition juive on enterre les corps en essayant de ne pas les abîmer plus que nécessaire. Quand une personne meurt dans un accident les pièces détachées sont ajoutées dans le cercueil. Les autopsies néanmoins ont des exigences. Il allait falloir déterminer quelles balles avaient provoqué le décès. Pour l’enquête un peu de dissection était incontournable.
Ils s’approchèrent de la tête et Marcelier découvrit le visage et baissa le drap jusqu’aux épaules, les balles avaient été tirées plus bas. Schüller ne dit rien, il n’esquissa aucun geste.
– C’est ma femme, Almira. La voix était sourde, la gorge nouée. Derrière ses lunettes les yeux plissés.
Puis il sortit d’un pas rapide. Les autres se regardèrent et lui laissèrent quelques pas d’avance, Keller fut la première à le suivre.
Il était adossé dans le couloir, se frottait le visage.
– Je m’y attendais, dit-il, ça allait mal finir cette histoire.
Marcelier, Martini et Martinez les avait rejoint.
– Que voulez-vous dire Monsieur Schüller, tenta Martini.
– Vous avez lu son blog ? Depuis deux ans elle attaque nombre d’associations et critique vivement l’INCA , la sortie de son livre au printemps lui a donné un peu plus d’audience, les journalistes étaient friands de ses coups de gueule. Elle indispose ce petit monde rose qui vit du business du cancer. Il ya quelques semaines elle a reçu un courrier d’avocats d’une association lyonnaise, une tentative d’intimidation pur qu’elle cesse de dénoncer les dérives. Ça a eu l’effet inverse sur Almira, elle a fait répondre par ses avocats et la demande de fermeture du blog et la menace de poursuite pour diffamations ont fait pschitt. Silence radio. Elle avait une grande gueule mais on l’aimait aussi pour ça, elle osait . Son dernier papier attaquait la gestion de l’INCA, l’institut national du cancer, elle réclamait un audit de la Cour des comptes. Un journaliste d’investigation avait été intéressé, je dois pouvoir vous envoyer leurs échanges de mail et les coordonnées du type. Mais vous avez son téléphone, tout y est. Almira était pressée que cela sorte, elle avait été diagnostiquée la semaine dernière pour une récidive de son cancer, poumon, foie et cerveau, elle savait que cette fois c’était mal emmanché. Nous devions prendre une décision après sa visite d’hier. Elle parlait de plus en plus d’euthanasie. Elle voulait juste passer un été de plus avec la famille, mettre ses affaires en ordre et j’essayais de la dissuader de baisser les bras, je voulais qu’elle tente une nouvelle fois. C’était une tête de mule, elle n’en faisait jamais qu’à sa tête. Je vous demande de trouver qui est responsable de sa mort. Selon ce que vous m’avez dit hier soir ça ne ressemble pas aux autres meurtres.
Il avait sorti tout ça d’une traite. Il fouilla dans la poche intérieure de sa veste et sortit deux feuillets imprimés qu’il tendit, Martini prit les papiers.
– Ce sont ses dernières notes, elle était méthodique et avait un fichier où elle notait l’état de ses recherches, une habitude de ses anciens travaux sur les archives. Son ordinateur avait été hacké, elle travaillait sur un second qui n’était pas connecté au réseau. Elle m’avait donné les mots de passe du logiciel d’encryption. Ça peut vous étonner, mais Almira était comme ça. Pas ordinaire. Si vous n’avez pas d’autres questions je vais retrouver les enfants, nous devons nous occuper des obsèques. Quand pensez-vous pouvoir nous la rendre?
Marcelier dit que le corps serait prêt dans l’après-midi, que Schüller pourrait appeler, ou faire appeler sa secrétaire, il lui tendit sa carte, ce qui était assez rare pensa Keller, Schüller les impressionnait tous. Il dégageait un calme maîtrisé et pourtant tous sentaient la peine qu’il éprouvait. Le genre de type qui ne craque pas en public. Il ajouta :
– Pouvez-vous s’il vous plaît dire aux journalistes que nous ne communiquerons pas. J’aimerais que la famille soit protégée quelque temps. Si vous pouviez demander à la brigade de gendarmerie près de chez nous de patrouiller. Je ne veux pas de caméras devant la maison. Almira aurait détesté ça.
Martinez lui assura qu’il s’en occuperait. A ce moment, le chirurgien arriva. Il ne s’attendait pas à rencontrer Schüller, il eut un temps d’arrêt puis vint lui présenter ses condoléances en bafouillant. Schüller se raidit, remercia presque, demanda s’il pouvait partir. Keller le remercia, Martinez le raccompagna sur le parking.
Keller et Martini entrèrent dans la salle d’autopsie après avoir pris des bottes qui étaient dans le couloir, Martini heureusement n’avait pas ses bottes Hello Kitty. En se chaussant Keller évoqua ce que le mari avait dit à propos de l’INCA ,
– Vous croyez que ce meurtre est commandité pour des histoires de gros sous, ça n’a pas de sens.
– En tout cas ça expliquerait les quatre hommes et la voiture maquillée. J’espère qu’on aura une réponse d’Ecully dans la journée.
Keller prépara un texto pour le responsable du laboratoire biologique. Ils avaient dû travailler cette nuit sur les empreintes de la carosseries et les prélèvement des perruques.
A huit heure trente précise, les deux médecins entrèrent dans la salle, blouses bleues, tablier de plastique, masque, gants et charlotte sur la tête. Le chirurgien était juste venu expliquer ses gestes lors de la double mastectomie, la reprise de chirurgie et même s’il ne le dirait pas il était curieux de voir l’évolution du cancer d’Almira. Il avait apporté une caméra, heureusement que Schüller ne l’avait pas vue.
Marcelier descendit le scialytique, brancha son micro et ôta le drap, un assistant qui était arrivé d’on ne sait où, commença à rincer les cheveux et le corps pour récupérer des traces. Les vêtements étaient dans un sac scellé, Keller ajouta les identifiants de l’affaire et signa.
Marcelier prit une photo du corps et mesura les trous d’entrée des projectiles. Martini sortit précipitamment de la salle.