Jouissez sans entraves, oui mais avec qui ?
Tous les articles traitant du sexe avec ou après un cancer du sein chez la femme ne parlent que d’une chose des efforts que doit faire la dite femme pour lutter contre la baisse de sa libido, voire son absentéisme récurrent, la sécheresse vaginale induite par une ménopause, la chimiothérapie, la radiothérapie, la mauvaise image d’elle-même, sa sexytude et la liste est sans fin. Les conseils de la presse féminine cancer et des forums souvent consternants.
La cancéreuse on la connait, elles sont plus de 50 000 par an à être diagnostiquées en France, mais quid de leur couple.
La femme cancéreuse a souvent un compagnon quinqua ou sexagénaire qui peut rencontrer quelques soucis fonctionnels avant que la maladie ne se pointe.
Couple hétéro ou homo. Les difficultés sont-elles identiques ?
Le cancer dévaste sans discrimination.
Peu de rédacteurs se penchent sur le couple, sur l’effet du cancer sur l’autre.
Sur les forums certaines osent aborder l’abandon parfois le mépris de leur conjoint, la frustration, la solitude. Les réponses oscillent entre pitié, agressivité vis-à-vis du conjoint et conseils pseudo psychologiques.
Que se passe-t-il au-delà des merveilleux témoignages d’hommes formidables qui publient les photos de leurs compagnes agonisantes, ressuscitées, mortes.
Que se passe-t-il dans un couple quand de retour de chirurgie après 48 h d’hospitalisation la chambre à coucher se transforme en annexe d’hôpital. Arrivent le matériel et les pansements, se succèdent infirmières et visite du médecin quand elle a la chance d’avoir un généraliste qui se déplace.
La chambre le lieu de l’intimité se voit souvent transformée, les meubles bougés et le second occupant du lit obligé de déménager ses pénates dans une autre pièce si le logement le permet. Parfois, il quitte le domicile. Nombreuses sont les femmes qui sont confrontées à cette ultime lâcheté.
La malade qui a subi une mastectomie uni ou bilatérale est contrainte de reposer sur le lit, les bras surélevés par des coussins. Il ne reste plus de place pour l’autre dans le lit, souvent il ne reste plus de place pour l’autre dans sa vie. Centrée sur son combat, elle tente d’éviter la noyade. C’est le temps de la survie.
Le temps de la cicatrisation est plus ou moins long. Les soucis fréquents et pendant ce temps, de vie sexuelle il n’est pas question.
Puis arrive la chimiothérapie (parfois elle survient avant la chirurgie), le corps souvent, très souvent douloureux et affaibli n’est pas à la fête. Et l’esprit déguste aussi, pas de vie sexuelle là non plus. La femme/malade/patiente combat et mobilise toute l’énergie qu’elle trouve pour sortir de cette tranchée. Le conjoint, si il a résisté jusqu’ici parfois accompagne, souvent soutient mais aussi s’échappe. Tel le chasseur il doit nourrir sa moitié et les enfants s’ils sont encore dans le tableau et si elle ne peut travailler lui, le doit.
Il apprécie coupablement ces répits loin de la maladie.
Le temps passe. Les soins se terminent. Les intrus soignants se font moins envahissants. Le corps et l’esprit de la cancéreuse revivent un peu. Il existe à nouveau un espace libre, le cancer a reculé. Une accalmie. Une pause entre deux consultations de suivi. Une pause avec l’idée de la mort. Un printemps de son esprit, mais point de bourgeons à nourrir d’une sève qu’elle sent revenir.
Elle demande « qu’est-ce que ce corps, sans sein, sans utérus parfois dont les ovaires ont été soigneusement exécutées chimiquement ou chirurgicalement ».
Ce corps est-il seulement celui d’une femme ? Privée de ses attributs de féminité visibles et invisibles, que reste-t-il de cette femme ? Un désir, une envie de vivre, une envie de jouir, qu’elle embrasse tant elle en est surprise.
Après les angoisses, les douleurs elle a à nouveau envie. Envie de sexe, parce que l’amour n’avait peut-être pas disparu.
Et là que fait-elle, elle demande, elle suggère, elle propose mais le compagnon parfois, souvent ne répond pas. Pris dans ses pratiques solitaires, le retour de la libido de Madame n’était pas dans son agenda. Lui, il a dégusté aussi, il n’a souvent pas encore vu les cicatrices qui barrent le thorax et sont les traces des seins découpés.
Il a vu l’épave temporaire qu’elle a été au plus mal. Il avait pourtant assisté aux accouchements, et s’en était remis mais la différence, c’est que d’un accouchement surgit une vie. D’un cancer survient souvent la mort.
Il a aussi ses soucis, son âge. Avant le cancer une pilule pour lui un peu de gel pour elle si elle était ménopausée et on faisait avec mais là, il n’a pas envie de gober la petite pilule. Il n’a pas réintégré le lit de la chambre du couple, prétextant mille et un alibis. N’affrontant rien.
Il ne la touche pas, l’embrasse au mieux chastement à son arrivée du labeur et le soir avant leur séparation. Elle en veut plus.
Elle se poste devant son miroir, affrontant l’image de ce corps meurtri, abîmé par la maladie, mutilé par les chirurgiens, abdomen, thorax, les cicatrices dessinent la carte de ses douleurs, ses grossesses, le surpoids, la perte de poids, les cheveux qui repoussent et se dit qu’à cinquante ans passés qui voudrait d’elle à part lui.
Elle conçoit cette pensée « au moins je n’ai pas de souci avec la chute de mes seins », seule, elle rit.
Parfois le compagnon à cette étape a déjà fui pour de bon. Loin de la malade. Et elle reste seule avec ou sans ses enfants. Mais toujours avec son cancer et son désir.
Elle pense à cette photo où un bourgeois perplexe, portant chapeau, lit sur un mur le graffiti « Jouissez sans entrave » Elle répond : « Oui, mais avec qui ? ».
Psychologue et sexologue, spécialisée en onco et actuellement en chimio et oui, ça ne protège pas bien sûr!
Je trouve que ce sujet n’est pas assez souvent abordé, tant pour les hommes que pour les femmes. Eux aussi en consult, se plaignent de difficultés.
Ne les oublions pas!
L’autre jour sur un site fort bien fait sur le cancer, je lisais « il est normal que la femme ait moins de désir » », ça m’a fait bondir! pq nl???? je connais des femmes chez qui l’approche de la mort décuple le désir et pour bcp la maladie donne des permissions alors arrêtons avec les idées ttes faites et osons aborder le sjt!
Svt à un stade plus avancé de la maladie je parle d’intimité du couple, mais peu importe le terme, la sexualité, c’est la vie!
On va rassurer les cancéreuses. Il n’est pas nécessaire d’avoir un cancer pour ne plus avoir de vie sexuelle. Depuis des années. Les déceptions, les ruptures, les douleurs des amours malheureuses et l’âge suffisent.
Cher Flou,
Ton commentaire ne rassure nullement la « cancéreuse » que je suis. Il la déprime !
Je te souhaite de vivre joyeusement. Mince, c’est mieux quand même.