Il me faut solliciter 42 muscles pour froncer les sourcils et seulement quatre pour étendre mon majeur et signifier à l’autre d’aller se faire f…
C’est donc dans un souci d’économie de mes forces que j’ai répondu « Bite me1 » en français, hier à la manipulatrice radio du Centre Léon Bérard qui m’invitait à enlever mon soutien gorge avant de m’injecter le produit de contraste pour le Petscan du jour.
Cette idiote n’avait pas pris la peine de me regarder, encore moins de consulter le dossier.
Elle a donc eu droit à un échantillon assez large de ma formation express à la considération.
Probable que l’accueil et la salle d’attente en aient aussi bénéficié. Je suis bien fatiguée mais ma voix porte encore et les univers carrelés sont assez sonores et ta vie privée n’est pas préservée.
Elle portait un badge mais son nom n’était pas visible. Alors nous l’appellerons MIss Kon prénom Ace.
MissKon donc, vint me quérir en salle d’attente avec seulement vingt minutes de retard. Je ne portais pas de manteau ou de veste et mon thorax plat n’était pas masqué. Visiblement affairée à lire la feuille de prescription elle n’ a pas levé les yeux de sa feuille. Entrée dans la salle de préparation scanner elle dit :
– Posez vos affaires et enlevez votre soutien gorge.
S’en est suivi un dialogue inégal ponctué de ses « euh, ah » puis sortit de sa bouche un truc étonnant « alors, à une femme qui a un gros ventre on ne peut plus demander si elle est enceinte? »
Là, je te vois utiliser les 42 muscles dont je te parlais plus haut.
Explications : l’œdème post chimio m’a filé un bide équivalent à celui de ma belle-fille qui entame allègrement le troisième trimestre de sa grossesse, n’ayant plus de seins à l’étage supérieur on ne voit que ça : le ventre.
Tu saisis l’amabilité du propos de la demoiselle Kon Ace, acculée à chercher une explication.
Il eut suffit d’un « je suis désolée » voire l’incroyable « je vous prie de m’excuser » et l’affaire se serait peut-être arrêtée là.
Ben non, rien d’équivalent donc je lui en ai remis une couche sur son attitude et son manque évident de professionnalisme, sur l’absence de considération.
Après, il a fallu que je lui tende le bras pour la pose de l’aiguille et de la seringue d’injection du produit de contraste, je l’ai mise en garde sur la fragilité de mes veines, la preuve je l’avais eu la veille par explosion intempestive de la veine de la main lors de la prise de sang hebdomadaire. Elle a sorti une aiguille assez grosse, j’ai demandé vous n’avez pas plus fin, pas de réponse.
Elle a étudié la zone de la veine basilique (oui ça existe), j’ai dit non, là je viens de finir « thrombose » donc vous oubliez. Elle en a choisi une autre, piqué, merdé, repiqué, fixé le dispositif d’injection et m’a demandé de la suivre vers le scanner.
Après l’examen elle a disparu, j’ai attendu l’interne pour l’interprétation.Reçu LA bonne nouvelle, pas de métas et Carlo sur mon plexus ben on ne le voit pas mais ça ne signifie pas qu’il a été éliminé, il se planquait déjà en juillet. Un autre infirmier est venu retirer le dispositif d’injection, je saignais comme un goret égorgé.
Fin de l’épisode. Je me suis tirée. Lundi j’irai chercher le rapport avant mon rendez-vous avec la radiothérapeute.
Pour revenir à Miss Kon Ace et au surréalisme de la saillie, on me dit c’est la routine, elle dit cela à chaque patiente etc..
Soit, acceptons la routine comme cause de la connerie.
Imagine que la clientèle du lieu c’est 100% cancer n’oublie pas nous sommes à Cancerland, je ne sais quels sont les chiffres de mastectomie bilatérale sur l’ensemble des cancers du seins traités à Berard mais je ne suis pas la seule, loin de là, donc la routine consiste à sortir un connerie / agression par femme mastectomisée par scanner, un scanner tous les 4 à 6 mois..
Imagine une femme dont le moral est en mode deuil, dépression suite à sa chimio, chirurgie, comment va-t-elle prendre cette agression gratuite ? Mon logiciel est simple on m’agresse, je réagis fermement (euphémisme).
Ce qui est pénible, vois-tu cher lecteur/chère lectrice, ça n’est pas de ne plus avoir de seins, globalement depuis 151 jours je trouve cela pratique, pour me crémer les jambes et l’abdomen pour voir mes pieds en étant debout, j’économise du temps en habillage, en lessive, non, ce qui est pénible, c’est la répétition des maladresses, l’absence quasi constante de considération de certains personnels qui visiblement ont séché la formation « prise en charge globale du patient » et qui n’ont peut-être pas eu accès au module « Bientraitance » . Je dis certains mais si je remonte la chronologie depuis ce fameux 4 juillet, où j’ai pris la batte de baseball en pleine gueule avec l’annonce du cancer par la radiologue parisienne, j’en trouverai une liste. Mais j’ai autre chose à faire de mon temps que de compiler des listes. Alors je vais juste envoyer le lien vers ce post et vers le Mépris au service des relations usagers et attendre pour voir si ils répondent.
Sur la Bientraitance en radiologie je suggère au centre Léon Bérard de se rapprocher de l’hôpital Lariboisière
Mais surtout je me réjouis du résultat du scanner : PAS DE METAS. BITE ME CARLO !
1 BIte Me = expression slang ( argotique) signifiant va te faire foutre, littéralement mords-moi
Il s’agit d’un cas de maltraitance, de iatrogénie liée au « soignant », d’effet secondaire liée à la parole inhumaine, standardisée. Le Primum non nocere n’a pas été enseigné car il fait perdre du temps et de l’argent.
Je souffre de lire ce billet en sachant la difficulté d’allier présence, spontanéité et réflexion dans le métier de soignant.
I’m reminded of one of your earliest posts, in which the doctor asks your husband, « Is she always like this? » . . . No, she’s not always that patient, asshole!
Ha Kenny I love you so !
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merci pour ce post