Cancer, plutôt des actes Madame Bertinotti

Ce papier adressé à Dominique Bertinotti  a été publié dans l’édition de Marianne  du 30 novembre 2013

Madame, la semaine dernière paraissait dans le Monde un long article illustré par votre portrait avec perruque parce que, Ministre déléguée auprès de la Ministre des Affaires sociales et de la Santé chargée de la Famille, vous annonciez que vous étiez atteinte d’un cancer du sein. Un cancer traité comme le mien et comme celui de nombre d’autres femmes, mais surement pas dans les mêmes conditions. A la lecture de l’article, j’ai d’abord pensé que la journaliste avait oublié d’aborder les sujets majeurs qui hantent la vie des patientes atteintes de ce mal pour se contenter d’un nouvel épisode du storytelling des people au pays des Bisounours. Mais c’est le concert de louanges médiatiques saluant votre courage à rester à votre poste qui m’a excédée et poussée à vous écrire.
Je suis un peu plus jeune que vous Madame, j’ai cinquante-trois ans et depuis le mois de juillet je sais que je suis atteinte d’un carcinome lobulaire infiltrant bilatéral, ce qui en langage commun, est un cancer invasif des deux seins. Comme vous, j’ai choisi d’en parler publiquement au travers d’un blog, mais je ne suis pas un personnage public, juste une malade ordinaire qui s’informe et se questionne sur ses options thérapeutiques, une malade qui ne voudrait pas rejoindre la liste des 11.500 femmes qui meurent chaque année du cancer du sein.
Contrairement à vous, j’ai dû m’arrêter de travailler afin d’enchaîner les examens permettant de circonscrire mon cancer. J’ai cessé de travailler aussi parce que l’annonce du diagnostic m’a paralysée d’angoisse à l’idée de la probable découverte de métastases et effrayée des conséquences de l’arrivée du cancer dans ma vie et dans celle de ma famille. J’étais pourtant bien armée pour faire face, ayant surmonté un cancer de l’utérus à trente-deux ans. J’ai dû avertir mes clients et mon employeur, je suis consultante en stratégie digitale, de mon indisponibilité à venir. J’ai pris le temps de parler à ma famille de ce qui allait se passer. Le cancer ravage tout sur son passage : vie professionnelle, vie quotidienne, tout bascule et vite.
Madame la Ministre, parlons donc plutôt, si vous voulez contribuer à l’amélioration de la vie de toutes celles qui luttent contre cette maladie, de ce que vous auriez pu proposer dans ce portrait au lieu de faire état de votre parcours de soin privilégié : la plupart des femmes n’ont pas encore droit partout à l’accès aux meilleurs choix de traitement et à un accueil dans un centre référent dans les meilleurs délais.
- Vous avez obtenu un rendez-vous de diagnostic à l’Institut Curie en trois jours, ce que le centre des maladies du sein du centre Léon Bérard à Lyon propose à chaque femme et j’ai été reçue dans ces délais mais il n’en est pas de même sur l’ensemble du territoire, faute de personnels et de budgets.
- Aucune femme ne devrait se heurter au refus de sa Caisse d’assurance-maladie pour la prise en charge de son transport sous prétexte que dans sa ville moyenne un hôpital non spécialisé est susceptible de lui administrer sa cure sans personnel formé.
- Le plan cancer prévoit un accompagnement dès l’annonce de la maladie, mais, faute de budget toujours, les hôpitaux sont surchargés, les femmes ressortent trop souvent de consultations de chirurgie assommées et désemparées par l’annonce d’un cancer et doivent se retourner vers leur généraliste, à qui aucun élément du diagnostic n’a souvent été communiqué en temps réel comme cela est censé se passer. Un poste d’infirmière pivot par centre anti cancer c’est trop peu.
- Vous nous parlez de votre perruque et de votre vernis, agissez plutôt pour la prise en charge des soins de supports (pourtant obligatoires), un exemple ? Le suivi psychologique des malades et de leur famille n’est toujours pas pris en charge hors des structures. N’oubliez pas le taux ridicule de prise en charge de LA perruque (125 € ) depuis 2006 pour un coût réel de 600 à 700€.
- Agissez contre l’indigence des structures d’aide à domicile et l’absence de formation des personnels, revalorisez la cotation des actes des médecins généralistes, infirmiers et infirmières libérales qui nous soignent avec dévouement au quotidien entre les chirurgies et les cures.
- Réduisez l’inégalité d’accès aux bilans d’oncogénétique et la centralisation des analyses avec des délais de douze mois en France contre quinze jours ailleurs en Europe.
- Nous attendons de vous, Madame le Ministre que vous continuiez à agir pour toutes les malades, celles qui sont obligées de s’arrêter de travailler, celles qui n’ont pas accès aux médias, celles qui sont seules et sans moyens.

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