Journal de mon cancer épisode 2 l’attente
Tu croyais voir mes boobs ? Loupé mon gars et ne regrette pas.
J ‘ai 53 ans selon l’état-civil, dans ma tête c’est selon les circonstances mais la fourchette oscille entre 12 ans pour les conneries et 120 pour la fatigue et l’expérience cumulée.
Mon rapport avec le corps médical peut-être complexe, conflictuel ou confiant ( tiens trois cons ..)
J’ai déjà été malade vraiment malade pas juste grippée, j’ai connu la réa, la morphine (très bon souvenirs), la chirurgie abdominale plusieurs fois (nettement moins bons souvenirs), les soignants formidables, les soignants brutaux, les soignants dépourvus de psychologie élémentaire, les infirmiers et infirmières du tonnerre, pleins d’humour quand le moral s’effondrait. Les secrétaires médicales que t’as envie d’assassiner tant leur absence de discrétion t’exaspère, celles qui au contraire reconnaissent ton « bonjour » au téléphone et qui te disent « oui le Dr G. Malpartout » va vous rappeler tout de suite et que en effet, il rappelle rapidement .
J’ai même mis mon pied dans la gueule d’une interne en gynéco qui avait la douceur d’un débardeur des halles en explorant mon vagin et tentait l’utérus par la face nord. Non pas que je sois souple, mais la position des pieds dans l’étrier était favorable au geste, oui je suis opportuniste et réactive. Son patron, mon médecin et ami de la famille, est arrivé après l’incident, il m’a dit que j’avais loupé le nez , il se marrait, je n’étais pas très fière, j’avais mal et un peu honte.
J’espère qu’elle a appris qu’une femme enceinte présentant une crise de coliques néphrétiques c’est sensible dedans et inquiet dehors surtout pour une première grossesse. Et mon grand-père Léon disait un moment de honte est vite passé. Il avait raison.
A mon passif aussi, je me suis levée après pré-médication d’une table d’opération parce que l’anesthésiste avait une sale gueule, j’ai signé et suis sortie contre avis au moins trois fois des urgences pour consulter ailleurs, dont une fois après trois tonneaux, un mur et un arbre avec une Autobianchi qui elle, est décédée. Pour mes enfants j’étais pire encore, mais on s’éloigne.
Plus tard encore, j’ai conduit 450 km en saignant comme un goret (pas casher) pour consulter MON gynéco canal historique ( celui plus haut) avant de passer six heures sur le billard, parce que le diagnostic du lyonnais me semblait stupide, j’ai aussi omis de payer cette consultation foireuse. Quand j’ai été remise sur pieds je lui ai envoyé le rapport d’hospitalisation pour son information et remettre les pendules à l’heure. Tu vois, je suis une carne.
Au passif également je suis une addict, du travail, du web, de la clope (là je pense que je vais devoir y remédier) plus jeune c’était pire. Si tu n’as pas vécu les années 70 et leurs excès et bien tant pis je ne vais pas sous-titrer.
Dernièrement j’ai consulté un ponte de médecine interne pour explorer une faille de mon patrimoine génétique ashkénaze. Le type que je ne nommerais pas m’avait fait attendre sept mois pour le rendez-vous, j’avais patienté et investi dans cette consultation. Trop.
Et là un connard majuscule, non pas que je doute de sa culture, non, adjectif est qualificatif de son comportement intégralement connard; j’ai tenu douze minutes avant de lui dire le fond de ma pensée, fermement et poliment. Il est sorti de son bureau, contrarié en claquant la porte du haut de son 1.90 m et est revenu avec les papiers à remplir pour l’analyse demandée. Je suis revenue dans le service le lundi suivant , l’infirmière qui m’a prélevée 17 échantillons était écroulée de rire, elle savait elle. En douce elle m’a envoyé mes résultats par mail. Pour le patrimoine génétique par contre toujours pas de réponse mais avec cette saleté de cancer, ça n’est plus une priorité..
Donc me voilà à nouveau dans la situation de la patiente, à attendre, les rendez-vous, les résultats, les décisions thérapeutiques, les explications. Cette impuissance sur le cours des choses me tue. Je n’ai pas choisi ce cancer, je ne sais pas si je pourrais choisir mon médecin. Je ne sais rien. Je hais cette incertitude.
Mon généraliste, qui est notre médecin de famille depuis presque 25 ans me connait, avec mes travers nombreux (voir le descriptif incomplet ci-dessus) : impatiente, grande gueule, désobéissante, curieuse, trop curieuse et là je ne vous parle que des tares avouables. J’ai une pensée pour lui, le pauvre c’est lui qui déguste en attendant que j’obtienne les réponses. C’est lui qui ramassera les morceaux et tentera de les recoller quand il le faudra. Je vous souhaite d’en avoir un comme ça, rien que pour vous. Sur Twitter j’en ai rencontré d’autres, ils sont là présents, prévenants, attentionnés de bons conseils. Ils me lisent, ils se reconnaîtront. Je les embrasse.
L’épisode 1 Bonjour je suis une tumeur
L’épisode suivant
Et en bonus track mon copain anotherwhisky vous offre 50 artistes unis pour une seule et même cause : rendre hommage aux seins des filles avec une animation et une chanson rigolote.
… Ce chemin, je ne le connais que trop bien. Courage.
On est sur des parcours similaires sauf…que je retourne contre moi les pieds dans la gueule qui se perdent, cancers, anévrisme, hernie discale, accouchements d’anthologie, débarbouillages aux draps trempés d’urine dans les années 70 à St Vincent de Paul par les infirmières dévouées, home d’enfants en 66 dans le Vercors avec des « éducateurs » pratiquants des sévices indicibles.
Malheureusement, je n’ai pas de Lui.
Je n’ai que des choses pourries (20ans d’analyse sans avancer d’un iota ), on peut pas proposer cela à une personne qu’on aime.